Coup de cœur 2020 |
Guillaume Bertrand a (au moins) quatre talents. C’est d’abord un pilote professionnel aventureux. Ayant suivi la « voie royale » de l’ENAC*, et avant d’accéder aux fonctions de pilote de ligne, il s’est forgé une expérience professionnelle dans le travail aérien pendant cinq ans, au début des années 2010. Et il a su en voir un avantage certain : « Le travail aérien, avec ses multiples facettes et son infinie variété de missions, offre la possibilité de découvrir le monde d’une manière tout à fait unique et originale ».
Car son deuxième talent, c’est sa capacité à s’émerveiller. Un vol, c’est pour lui un balcon sur la nature et sur notre planète. Il se passionne pour les paysages qu’il survole, atolls polynésiens, montagnes des Alpes, plaines d’Europe centrale, forêts et lacs du grand Nord, jungles et savanes africaines, déserts immaculés, etc. Mais ce peut être aussi pour un été polaire en pouvant voler sans que le soleil ne se couche, pour la faune observée en mer ou sur terre, pour les traces d’urbanisation laissées par l’homme, de jour comme de nuit. Au sol, de retour d’un vol et lors des repos forcés par la technique ou le mauvais temps, ce sont les rapports humains qu’il découvre, la vie du prochain, ses us et coutumes.
Son troisième talent, c’est alors une grande curiosité. On le sent avide d’un enrichissement, au fil de ses missions, au contact des autres, de ses coéquipiers comme des populations rencontrées. Et c’est à notre tour de nous enrichir avec lui, dans de multiples domaines, scientifique, géographique, météorologique, ethnologique, zoologique, etc.
Car l’ultime talent de Guillaume Bertrand, que nous fait découvrir « La mesure du monde », ou que nous fait mesurer cette découverte du Monde, c’est la qualité de son écriture. Sa plume est légère, poétique, toujours riche voire foisonnante, parfois moqueuse, tendre, amusante. Le lecteur à son tour s’émerveille, avec lui dans le poste de pilotage ou en cabine avec ses équipiers. Dans le livre, quelques cartes pour mieux se repérer, mais pas de photos, le récit est tellement imagé que l’on peut se dispenser d’images. C’est beau à lire, et si vous avez la chance d’en faire lecture à d’autres personnes, vous réaliserez que c’est également doux à écouter, une invitation au rêve et au voyage.
Aux fanas d’aviation on offre en prime les fréquentes analyses du pilotage peu conventionnel de ces BN2 Islander, Piper Navajo ou Beech King Air en suivi de terrain, en prise d’images cartographiques, en relais télévisé, en réception radio ou laser.
Ce n’est qu’après avoir lu plusieurs chapitres, ravi, que j’ai remarqué sur la page de garde que cet ouvrage faisait partie chez son éditeur, Ankidoo, d’une collection “Splendeur des cieux”.
C’est tellement justifié, ce livre est splendide.
Cela mérite amplement un coup de cœur de l’Aérobibliothèque.
Jean-Noël Violette
400 pages, 13 x 20 cm, couverture souple
0,442 kg
* L’École Nationale de l’Aviation Civile assure la formation ab-initio de pilotes de lignes issus des classes préparatoires aux grandes écoles. C’est une formation prestigieuse, traditionnellement très appréciée par les recruteurs des grandes compagnies, mais le peu d’expérience des jeunes pilotes nécessite un mûrissement via le travail aérien avant d’y prétendre.