Dans le cheminement qui conduit des premières ébauches jusqu’à la mise en service d’un aéronef civil, les travaux consacrés à l’obtention de son certificat de navigabilité de type * représentent certainement la phase la moins bien connue du grand public. Destiné à assurer que l’appareil peut être utilisé dans des conditions acceptables de sécurité, ce document ne peut se contenter de vérifier que la machine « fonctionne bien ».
Cet ouvrage nous rappelle à juste titre qu’aucun mode de transport ne peut être sûr à 100 %; la complexité d’un avion (ou d’un autre type d’aéronef) implique nécessairement l’apparition de certaines pannes, mais faire appel au principe de précaution – notion à la mode, reviendrait à clouer au sol l’ensemble du trafic aérien. Dans son récent ouvrage, Indispensables pilotes, Jean Belotti lui opposait un principe de prévention qui vise à évaluer la probabilité d’apparition d’une panne grave, principe qui guide les travaux de certification.
Si les auteurs se défendent d’avoir voulu écrire un cours sur la navigabilité – qui demanderait effectivement un plus grand développement, mais ont voulu répondre en une cinquantaine de pages aux questions que peut se poser le voyageur aérien curieux… ou inquiet, il faut toutefois reconnaître que le résultat ressemble fort à l’un de ces polycopiés que l’on distribue aux élèves des écoles d’ingénieurs. Il en a le contenu sérieux, et aussi l’aspect un peu austère. Après tout l’Aérobibliothèque n’est pas uniquement là pour tenter d’aider ses lecteurs à occuper leurs loisirs !
Un certain nombre de progrès techniques – comme l’apparition des réacteurs par exemple, sont sans aucun doute à l’origine du développement d’avions de plus en plus fiables, toutefois les travaux conjoints des constructeurs et des autorités de tutelles de l’aéronautique représentent probablement le facteur principal qui a permis de bâtir depuis plus de soixante ans un transport aérien toujours plus sûr, et ce malgré un trafic en perpétuelle croissance. Les devoirs de chacun des deux partis en présence sont bien décrits par les auteurs qui insistent sur le dialogue permanent qui prévaut, un fait qui pourra surprendre à une époque où il est courant de mettre en doute l’expertise des services officiels; rien ne serait plus faux que d’imaginer la certification d’un aéronef comme une sorte d’examen de fin d’études sous les regards d’un fonctionnaire sévère mais juste. Ce travail de collaboration ne s’arrête d’ailleurs pas avec l’obtention de ce « brevet », car le suivi de cette navigabilité se poursuivra tout au long de la vie opérationnelle de l’ensemble des machines du même type, tirant les leçons des incidents qui peuvent survenir.
On lira avec grand intérêt l’annexe consacrée à l’historique de l’organisation des autorités de certification en France et en Europe, excellent révélateur des « particularismes nationaux ».
Dans leur conclusion, les auteurs tentent de définir quels sont les défis futurs à relever, insistant en particulier sur l’importance qu’il y aurait à voir naître un équivalent européen du NTSB américain, garant de l’indépendance des enquêtes en cas d’accident. On notera également leur étonnement – voire leur amertume après des années de travail collégial entre industriels et officiels, à constater le pouvoir d’experts isolés prendre toujours plus d’importance dans le cas de procédures judiciaires.
Un ouvrage court et dense donc, mais qui apportera de très nombreuses réponses à tous ceux qui s’intéressent de près à l’aéronautique civile, au premier rang desquels on espère trouver les « spécialistes » de la presse grand public…
Pierre-François Mary
62 pages, 17 x 24 cm, broché
* Certificat accordé par l’autorité de tutelle à un type d’appareil, par opposition au CdN individuel attaché à un exemplaire de ce type.
– La collection Les eXpliqués de Cépaduès