Les « nose art ». Si l’aviation de la Seconde Guerre mondiale ne vous est pas étrangère, vous connaissez nécessairement ces décorations figuratives qui ornaient si souvent le nez des bombardiers des USAAF*. Mais foin de ces explications, puisque en annexe de cet album, Frédéric Marsaly vous en propose, de manière plus détaillée… et illustrée.
Vous l’aurez compris, le scénario est bâti autour de la destinée d’un B-24 dont la couverture nous annonce le funeste destin. Que s’est-il donc passé ? Pourquoi, en août 1944, la pin-up, qui protégeait si bien le Liberator et son équipage, les a-t-elle apparemment abandonnés ? D’ailleurs, qui est-elle ? D’où lui vient ce nom bizarre d’Ali-La-Can ? Sans forcer outre mesure sur les allers-retours temporels, Jack Manini nous promène de 1944 à 1956.
La pin-up Ali-La-Can saura-t-elle éternellement protéger le B-24 et son équipage ?
1944 : le major Glenn Baxter se réveille désemparé dans un hôpital militaire de Tobrouk après l’écrasement de son Ali-La-Can, le B-24 qu’il pilotait. Nous le retrouvons quinze ans plus tard dans le désert de Lybie, aux commandes d’un Broussard ; il est censé effectuer des vols pour la compagnie pétrolière Standard Oil*, mais il en profite largement pour rechercher son Liberator qui semble avoir disparu… comme les autres membres de son équipage.
La formule de La pin-up du B-24 : un tiers d’Histoire, un tiers d’action, un tiers de romance, un tiers de fantastique. Eh oui, cela fait quatre tiers, comme le pagnolien Picon-citron-curaçao cher à César* ! C’est la preuve que dans un album de BD, on peut faire entrer pas mal de choses pour un mélange qui peut être savoureux. Certes, le cocktail pourra ne pas satisfaire tout le monde, certains préférant peut-être le simple assemblage histoire aérienne + action, d’autres étant allergiques à le présence d’une touche de fantastique, mais il faut reconnaître que les scénario « accroche » bien. Ajoutons à cela que même si l’histoire sera répartie sur deux volumes, le premier fait preuve d’une belle unité. Bien sûr, la dernière planche nous met l’eau à la bouche en nous annonçant la suite (et la fin) dans le tome deux, mais l’histoire est construite comme une pièce en deux actes.
Le dessin est relativement classique, de même que le découpage des cases (qui ont néanmoins été dépourvues des traditionnels liserés noirs). L’alternance des plans et des angles de « prises de vues » ne manque pas d’évoquer une mise en scène cinématographique. La mise en couleur est néanmoins moins conventionnelle. De nombreuses planches présentent une curieuse unité de coloration : dans certaines, le bleu est quantitativement très dominant (pages 24 ou 50), dans d’autres (pages 32-33), c’est le jaune alors qu’ailleurs ce sera le rose (page 49), voire le mauve (page 4). Un parti-pris esthétique bienvenu.
Avec Jack Manini au scénario et à la mise en couleur et Michel Chevereau au dessin, voilà donc une bande dessinée qui, sans être excentrique, fait preuve d’une certaine touche d’originalité, tant dans le graphisme que dans le scénario. Elle devrait, selon la formule consacrée, « rencontrer son public »… y compris parmi les « aéromanes ».
Philippe Ballarini
* USAAF : United States Army Air Forces. Elles deviendront USAF (United States Air Force) en 1947
* Standard Oil : Esso
* Dans Marius (Marcel Pagnol – 1929), César explique à Marius comment préparer un picon-citron-curaçao : « Tu mets d’abord un tiers de curaçao. Fais attention: un tout petit tiers. Bon. Maintenant, un tiers de citron. Un peu plus gros. Bon. Ensuite, un bon tiers de Picon. …/… Et à la fin, un grand tiers d’eau. »
64 pages, 24 x 32 cm, relié
0,675 kg
Les albums de la collection La pin-up du B-24
Oh la belle jaune !
Avec l’aimable autorisation des
© Éditions Grand Angle
Oh la belle bleue !
Avec l’aimable autorisation des
© Éditions Grand Angle
Oh la belle mauve !
Avec l’aimable autorisation des
© Éditions Grand Angle