Coup de cœur 2017 |
La Pointe du Diamant, ce sont les pilotes de combat du groupe aérien embarqué du Charles-de-Gaulle. En ce début d’année 2011, ils participent à un déploiement, plutôt calme, au-dessus de l’Afghanistan puis rentrent à Toulon pensant profiter de quelques mois de répit avant d’embarquer de nouveau. Mais au printemps 2011, les pays arabes s’embrasent, de la Tunisie à la Syrie, mais c’est en Lybie que la situation semble la plus critique et que l’OTAN décide d’intervenir pour empêcher Kadhafi de massacrer son peuple. Le groupe aéronaval embarque donc à nouveau dans l’urgence et s’en va faire la guerre sans savoir combien de temps va durer cette nouvelle mission.
Yannick « Hans » Piart est alors pilote expérimenté, dans l’aviation embarquée depuis une dizaine d’années, et vole au sein de la 12F sur Rafale.
La Pointe du Diamant raconte donc cet engagement tel que l’a vécu « Hans » Piart depuis son avion. L’absurdité de la guerre contemporaine avec ses règles d’engagement strictes, la recherche des angles de tir pour éviter les dégâts collatéraux, le jeu du chat et de la souris avec l’ennemi, les frappes à la bombe guidée laser, le tir des A2SM, celui des missiles SCALP, « Hans » raconte tout en détail. Il n’oublie pas non plus de nous parler du Charles-de-Gaulle, avec ses no fly day*, les salles d’alerte et leurs rideaux rigides bizarres, la passerelle des OA*, les matins blêmes ou les retours de mission au milieu de la nuit, les catapultages, les appontages plus ou moins réussis, les déroutements forcément imprévus, les ennuyeuses missions « nounou »*, les rares escales !
De temps en temps, l’auteur s’offre aussi un petit flashback sur ses années de formation, sur son détachement sur Mirage 2000D dans l’armée de l’Air, sa période à l’EIP 50S comme instructeur sur Cap 10, les chapitres s’enchaînent, les missions aussi et le lecteur est comme happé par l’histoire.
Car Yannick Piart montre qu’il a une écriture efficace, rythmée, pleine de références populaires, bédéphile, cinématographique ou musicale, un humour par petites touches qui tranche avec ce récit de guerre. Les missions sont racontées efficacement, en détail mais sans noyer (ce qui serait un comble pour un marin) le lecteur de détails superflus. On est dans le cœur du sujet et si l’auteur s’offre quelques écarts comme une respiration, c’est pour mieux replonger ensuite dans des missions de guerre de plus en plus complexes et sensibles.
Mais l’aviateur n’est pas qu’un exécutant obscur, larguant ses bombes là où on lui dit de le faire. Tout au long de son récit, il explique le conflit tel qu’il était perçu alors à bord, sa vision de ces évènements et même ses éventuels états d’âmes. Mais ce n’est pas une autobiographie introspective, c’est avant tout un récit de guerre et il est terriblement efficace. La réalité quotidienne du métier de pilote de chasse embarqué, loin des clichés, est dans ce livre.
Les éditions Nimrod frappent un nouveau grand coup avec ce récit parfaitement mené, passionnant de bout en bout, superbement écrit. Une réussite totale !
Frédéric Marsaly
* no fly day : journée sans vol
* OA : officier d’appontage
* mission nounou : mission de ravitaillement en vol
NDLA : Une partie des droits d’auteur est reversée à l’association « Les ailes brisées » sous forme de don.
300 pages, 15 x 23 cm, broché
0,385 kg
Prix de l’Aéro-Club de France 2018
Lundi 14 mai 2018 : Yannick Piart reçoit le Prix de l’Aéro-Club de France
Photo Sherif Scouri