Avec son aile parasol, son train fixe et son habitacle ouvert, le Renard R.31 était caractéristique des appareils de l’entre-deux-guerres, de ceux qui seront complètement dépassés dès les premières heures du second conflit mondial. Malgré son inadaptation, il participa à la tourmente de 1940. Aucun des 34 appareils construits ne survécut. Il est à noter que cet avion fut le seul de conception et de construction belges qui ait participé à la Seconde Guerre mondiale, le Hawker Hurricane ayant été préféré au Renard R.36 (pourtant plus performant, mais c’est une autre histoire). À ce titre, le Renard R.31 méritait bien qu’une étude lui soit entièrement consacrée.
Une précision s’impose. Le titre La saga du Renard 31 est suivie du sous-titre Souvenirs des pilotes et conception de l’avion. Il faut prendre ces mentions au pied de la lettre : la structure du livre n’est donc pas celle d’une monographie classique, où l’on suit l’évolution technique de l’appareil, de la planche à dessin à ses variantes, avant de prendre connaissance de son usage en opérations. L’accent est mis sur l’aspect « saga » par la restitution de plusieurs témoignages particulièrement étoffés émanant de pilotes. La première partie, intitulée « Mémoires d’escadrille », évoque sur environ 130 pages, avec force détails, les tribulations de la 11e escadrille, dotée de R.31. Suivent cinq récits, vivants témoignages, avant que nous n’arrivions à la partie strictement technique, revue de détail qui occupe 110 pages. « Revue de détail » est le mot juste : l’avion est entièrement désossé et décrit avec une minutie certaine. On trouve dans cette partie du livre quantité de plans, croquis cotés, photographies de détail, etc. Alain Delannai est allé jusqu’à détailler les nœuds de lardage du revêtement ! Un petit regret : la rubrique « genèse et développement », nécessaire à toute monographie, est à peine esquissée.
Les ouvrages sur l’aviation belge ne sont pas légion. Rappelons le propos de Charles Rooms, pilote d’essai belge : « Il est utile de signaler que dans notre petit pays, on a tendance à croire que tout ce qui est fabriqué ne peut être de grande valeur. » Cet ouvrage peut participer à prouver le contraire. Bien évidemment, il est indispensable aux amateurs belges d’histoire de l’aviation, mais il ne saurait leur être réservé. Ils sont une poignée, en Belgique (en particulier au sein du FNAR*), à batailler pour que ne s’efface pas une histoire que leurs compatriotes connaissent trop peu. Ils méritent amplement d’être soutenus. En tout cas, si la sobriété de la mise en page de ce livre de poids (1,400 kg !) montre une origine associative et si quelques rares photos montent des « carrés de compression », on n’y aura pas lésiné sur la qualité du papier ni sur celle de l’impression. Certains éditeurs français qui font imprimer des « cahiers photo » sur du papier bouffant feraient bien de prendre modèle sur ces « amateurs ».
Philippe Ballarini
378 pages, A4, broché
1,400 kg
* FNAR : Fonds National Alfred Renard