Ce livre n’est pas seulement une enquête sur les causes de l’accident du Dewoitine 332 “Émeraude”, le 15 février 1934, lors de la dernière étape d’une liaison Saïgon-Paris. C’est avant tout l’occasion de lire deux biographies : l’une du grand pionnier Maurice Noguès, et l’autre de Pierre Pasquier, tous deux tués dans l’accident. Maurice Noguès était alors directeur général adjoint d’Air France, et Pierre Pasquier gouverneur général d‘Indochine.
Les passionnés d’aviation retiendront donc surtout le parcours de Noguès, breveté en 1910, pilote de guerre dès 1915, puis chef d’escadrille, avant d’être le principal fondateur des lignes aériennes d’Extrême-Orient, car ce grand pionnier est bien trop souvent oublié. L’auteur le fait d’ailleurs remarquer dans le dernier chapitre et tente d’y apporter une explication.
L’écrivain Michèle Kahn, auteur de romans à succès, n’apporte pas davantage de conclusion définitive que ceux qui se sont penchés précédemment sur l’accident de l’Émeraude, car elle ne dispose pas d’éléments nouveaux. Ses sources ne sont d’ailleurs pas archivistiques. Elle a utilisé la presse qui, à l’époque, a effectivement fait grand cas de l’événement, et également de mémoires publiées, ainsi que de quelques documents privés, provenant notamment de la famille Noguès. Elle propose néanmoins des pistes de réflexion nouvelles en replaçant l’événement dans son contexte politique particulièrement agité de février 1934.
On retrouve dans ce livre les qualités de la romancière, notamment le rythme et le style, qui apportent une grande facilité de lecture, mais aussi ses défauts. Ainsi, on regrettera que les sources ne soient pas toujours clairement indiquées, même si l’auteur les donne parfois dans le corps du récit.
De même, on relève quelques raccourcis rapides, notamment sur les intentions supposées de certains personnages. Des raccourcis qui peuvent faire tousser l’historien scrupuleux. Et on regrettera aussi quelques inexactitudes. La plus grave est l’affirmation que Maurice Noguès aurait obtenu 13 victoires aériennes pendant la Grande Guerre, parce que l’auteur l’a confondu avec Marcel Noguès, l’as de la SPA 172. Certes, ce n’est pas la première fois qu’on les confond, mais cela reste toujours un peu gênant.
Malgré ces quelques imprécisions, l’ouvrage a plusieurs mérites, dont le premier est d’exister. Car mis à part quelques articles, le dernier ouvrage consacré au grand pionnier Maurice Noguès datait en effet de 1955, ce qui peut paraître incroyable quand on sait l’importance que cet homme a tenu dans l’histoire de l’aviation commerciale française. N’oublions pas qu’à son enterrement, dans le petit cimetière de Locmaria près de Belle-Isle-en-Terre (Côtes d’Armor), son cercueil était porté par Jean Mermoz, Alexandre Pichodou, Georges Winckler et Louis Lanata. Excusez du peu !
Thierry Le Roy
344 pages, 15 x 24 cm, couverture souple