Plusieurs ouvrages récemment présentés dans l’Aérobibliothèque évoquent des sites aéroportuaires ; celui-ci se distingue par son approche architecturale. Pour autant, nous fûmes surpris de voir que celle-ci est finalement réduite et que par ailleurs le tableau dressé dépeint en filigrane les grandes lignes de la politique aéronautique menée par la Belgique.
La préface signée de Pieter De Crem, ministre de la Défense belge depuis décembre 2007, nous dévoile que cette monographie s’inscrit dans un ensemble d’actions recommandées par un collège d’experts visant à prolonger au-delà de leur démolition les derniers bâtiments de ce qui fut la première plate-forme aéroportuaire de Bruxelles. Nous avons alors craint un exposé universitaire sur le seul sujet des constructions et de leurs évolutions au fil des décennies. Si l’on a bien en mains le fruit d’un travail d’archiviste aussi bien documenté que possible, le récit de cette « plaine d’aviation » entre 1908 et 2002 évite le ton docte et demeure plaisant à lire, relatant les multiples évolutions et densifications qui ne cessent de se produire jusqu’au début de la lente désaffection qui survient durant les années cinquante. L’arrêt des vols ne cesse pas la vocation aéronautique du fait de la poursuite de la maintenance civile et de l’installation du quartier général de la TAF. Cet historique s’attache également à considérer le cadre technique et commercial de l’aviation belge puisqu’il décrit la constitution des sociétés SNETA, SABCA et SABENA et leurs primes développements. Il n’omet pas non plus de situer la spécificité de ce lieu car Bruxelles durant les années 20 est au cœur du maillage aéronautique européen de l’après Grande Guerre ; son destin est comparé, au fil des époques, aux autres plateformes équivalentes qui apparurent parallèlement à Londres, Paris, Amsterdam ou en Allemagne.
La partie formellement architecturale (pages 104 à 113) se révèle pour autant parfaitement digeste pour le lecteur peu rompu à ces questions, d’autant que les notes y sont aussi nombreuses, judicieuses et claires que dans les autres parties. Le petit regret que les plus fanas formuleront concerne la faiblesse de certains points (comme, par exemple, l’activité aérienne de l’aviation militaire belge ou la taille trop réduite d’une partie des cartes et plans) mais ceci est compensé par une biographie variée.
L’auteur, licencié en histoire et officier d’aviation de surcroît, ne cache pas que ce travail forcément limité dans le temps ne pouvait remédier à des décennies de négligence en matière de patrimoine, phénomène puisant pour partie ses origines dans des archives malmenées par les deux conflits mondiaux. Soulignons également que l’iconographie présente finalement beaucoup d’avions car dans les premiers temps, à tout le moins, c’est souvent par ce biais que les photos témoignent en second plan de l’aménagement des lieux.
En conséquence, les quelques limitations de cet ouvrage ne peuvent l’empêcher de prétendre au titre de référence sur un sujet souvent peu abordé mais qui — particulièrement sur ce périmètre inédit — se révèle fort intéressant et a tout pour susciter l’intérêt de l’amateur du temps des hélices.
François Ribailly
162 pages, 19 x 21 cm ,couverture souple dos carré
128 illustrations en n&b, 19 en couleurs, 15 pages de plans
N.B. : Une impression en langue anglaise (Haren-Evere airfield – Metamorphoses of a Landmark in Belgian Aviation History [ISBN 978-2-87143-198-5] et une troisième en néerlandais (Het vliegveld van Haren-Evere – Metamorfosen van een Belgisch luchtvaartmonument [ISBN 978-2-87143-193-0) sont également disponibles chez le même éditeur.