L’Aéronautique navale au Centre d’Expérimentations du Pacifique

(1962-1997)
Henri Robin

De 1960 à 1996, la France s’est livrée à des essais nucléaires, avec d’autant plus d’assiduité qu’ils étaient un élément majeur dans la stratégie de la dissuasion. Si les premiers essais eurent lieu dans le désert du Sahara, les accords d’Évian amenèrent la France à poursuivre ses essais en Polynésie française. Il est évident que, dans un tel cadre géographique, l’Aéronautique navale avait à jouer un rôle de premier plan. On peine aujourd’hui à imaginer la variété des missions (ainsi que des appareils) que généra cette activité expérimentale : prélèvements et mesures bien sûr, mais aussi surveillance, protection, entraînements divers, photographie, interception d’intrus, ravitaillement, etc. jusqu’à des missions le largage de courrier sous container.

On aura compris que le sujet des expérimentations nucléaires dans le Pacifique recèle des richesses insoupçonnées. L’Aéronautique navale française a partie liée avec le Centre d’Expérimentations du Pacifique (CEP) et ce livre relate l’histoire de ce lien, depuis la création du centre en 1962 jusqu’à la dernière explosion nucléaire de janvier 1996.

Après un bref préliminaire résumant la présence de l’Aéronautique navale au Pacifique de 1929 à 1962, le chapitre suivant établit la liste circonstanciée des forces liées au CEP. On y apprend par exemple que ces forces effectuèrent des missions sur l’îlot de Clipperton. Le détail est donné de toutes les forces déployées à cet époque (y compris l’armée de l’Air). Sont ensuite évoquées les opérations liées aux expérimentations nucléaires, avec quantité d’explications sur l’organisation et les différentes procédures et chronologies liées aux différents tirs (atmosphériques, souterrains…) Le chapitre suivant, plus conséquent, est consacré aux forces de l’Aéronautique navale (Hommes, missions et moyens) et se trouve enrichi de témoignages, dont celui de l’EV Jean-Pierre Rochard*, qui raconte avec force détails l’accident de son Alouette et le bain forcé qui s’ensuivit… en pleine zone contaminée. Comme de coutume à l’ARDHAN, le livre se termine sur des annexes particulièrement étoffées, où l’on trouvera des informations sur les commandements et les aéronefs, des tableaux portant sur les différentes campagnes de tirs, sept cartes… et même un petit mémento de vocabulaire polynésien.

Le curieux pourra s’étonner que l’on puisse, même en disposant des puissants leviers du travail associatif de l’ARDHAN, publier plus de 400 pages sur un sujet aussi confidentiel. « Confidentiel » est le mot : on comprendra la discrétion qui prévaut dès qu’il s’agit d’essais nucléaires. 1997 n’est pas si loin, et le « secret défense » n’est pas encore tombé en désuétude. La réponse est dans la structure du livre : si les écrits (hors annexes) couvrent un peu plus de cent pages, les photographies sont présentes sur pas moins de 260 pages, au rythme de deux par page. Ce sont donc plus de 500 photos, quasiment toutes inédites, qui viennent ici témoigner de la présence de l’Aéronautique navale en Polynésie française. Un vrai festival ! On y fait la part belle aux appareils utilisés. Les Catalina sont à la fête, mais aussi les Lancaster en robe blanche, Alizé, Étendard, Sikorsky HSS, Alouette II et III, P2V-6 Neptune, Gardian*, Super Frelon… Bien évidemment, la dimension humaine n’est pas négligée et les hommes (et quelques femmes, franchement jolies) sont largement et dignement représentés. Séquence nostalgie avec le PA Foch*, que l’on retrouve en compagnie de la Seine et de l’EE Forbin D-635*. D’autres clichés, plus anecdotiques, sont révélateurs d’un certain climat : interception d’un EC-135 de l’USAF, bardé d’antennes, « chalutier » soviétique, voiliers de Greenpeace…

Ces nombreuses images font la richesse de cet ouvrage qu’il ne faudrait néanmoins pas prendre exclusivement pour un album de photographies : on imagine aisément les difficultés qu’a dû surmonter Henri Robin pour réunir les éléments constitutifs de son texte. Le sujet n’en est pas banal et s’avère bien moins aride qu’on ne l’imagine. Raison supplémentaire pour accorder son attention à cet ouvrage : il évoque une période qui nous est proche : 1997, c’était hier. Sur l’Aéronautique navale au Centre d’Expérimentations du Pacifique, la littérature aéronautique était muette : l’ARDHAN et Henri Robin rompent le silence.

Philippe Ballarini


424 pages, 21 x 29,7 cm, relié cousu, couverture rigide


* EV : Enseigne de vaisseau
* Gardian : version navale (profondément remaniée) du Dassault Falcon 200
* PA : Porte-avions
* EE : Escorteur d’escadre

NDLR : Rappelons que l’ARDHAN est une association du type « loi de 1901 » et qu’elle intègre bien volontiers ceux que l’histoire de l’Aéronautique navale passionne, a fortiori s’ils peuvent apporter leur pierre à l’édifice documentaire.

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ARDHAN

ISBN 978-2-913344-18-1

40 €