L’Aéropostale, des pilotes de légende [6]

Henri Rozès

Bec, Faina et Salvatori

9 mars 2019

Après avoir amorcé la collection Aéropostale, des pilotes de légende avec de grandes figures connues du public (Guillaumet, Mermoz, Saint-Exupéry), Christophe Bec continue dans sa lancée, mais cette fois avec un pilote bien moins connu : Henri Rozès. La démarche est courageuse, car le sujet est bien moins commercial. L’histoire mouvementée de ce personnage haut en couleur présente un intérêt bien supérieur à celles, bien plus connues, des personnages précités, justement du fait qu’elle est moins populaire. Henri Rozès pourrait postuler, comme Gaston Vedel, au titre de « pilote oublié ». Et pourtant… Pilote de chasse à la SPA 99 après avoir connu la boue des tranchées, il fut embauché par Didier Daurat pour les Lignes Latécoère, après quoi, de retour d’Amérique du Sud, il effectua des livraisons d’avions à l’Espagne républicaine* avant de voler pour la ligne Air Orient…

Dans ce tome 6, le scénariste ne limite pas le portrait de Rozès à sa riche expérience de pilote ; le climat des époques troubles que traversa Henri Rozés, les traits de son caractère, sa forte personnalité, sont dépeints d’une manière qui enrichit le récit. Le découpage judicieux du scénario maintient l’intérêt du lecteur jusqu’à la dernière page*.

Une fois de plus, on change de dessinateur. Comme le lecteur pourra le constater avec les planches ci-dessous, le dessin est très convaincant et la couleur soignée. Espérons que cette collection Aéropostale, des pilotes de légende saura continuer : ce ne sont pas les belles et nobles figures qui manquent parmi les pilotes des Lignes Latécoère et de l’Aéropostale. L’approche « bédé » de Christophe Bec est vraisemblablement l’un des meilleurs moyens de faire connaître (avec justesse) à la jeunesse les personnages partis à la conquête de l’Afrique et de l’Amérique du Sud.

Philippe Ballarini

* À la page 43, Christophe Bec fait dire à Henri Rozès : « En 1937, je participais au transport de personnalités qui voulaient mettre fin au régime républicain espagnol. », alors que sur le site Latecoere.com, on lit « Mais la guerre civile éclate en Espagne et, sans hésiter, Henri Rozès offre ses services à la République espagnole. »
Cette apparente contradiction est éclaircie par Alain Graton dans les Aéroforums :
Henri Rozès transporte en juillet 1936 depuis Biarritz vers Lisbonne un carliste (donc hostile à la République) du nom d’Antonio de Lizarza.
Son Caudron doit faire escale à Burgos, du fait des conditions climatiques, où passager, pilote et mécanicien sont arrêtés par la police. Henri Rozès et son mécanicien, libérés, rentrent en France.
En août 1937, Henri Rozès transportait un appareil vers les Républicains via la SFTA et il y en avait eu d’autres avant cette date.
La date de 1937 indiquée dans la BD parait curieuse.
Henri Rozès semble avoir volé surtout pour le compte du camp républicain.
(Sources : livre de Jean Massé, « Des Avions pour l’Espagne »)
Remerciements à Alain Graton
* La dernière page, qui arrive sans transition en analepse (« flashback »), semble tomber un peu « comme un cheveu dans la soupe ». Mais… il fallait bien boucler cette histoire, n’est-ce pas ?