L’Aérostation au temps des Lumières : le thème n’est pas nouveau (et pour cause). Il doit être parfaitement connu et de nombreux ouvrages ont dû lui être consacrés. En êtes-vous bien certain ?
Il a pourtant fallu attendre 2006 pour lire la première véritable biographie de Pilâtre de Rozier, le premier homme volant, sous la plume de Philippe Buron-Pilâtre. De même, il aura fallu attendre la thèse de doctorat de Marie Thébaud-Sorger pour avoir enfin cette étude exhaustive des débuts du vol humain à la fin du XVIIIe siècle. En effet, si les événements cités ici ont déjà donné lieu à des récits plus ou moins étoffés, parfois à quelques études de cas comme par exemples les envols nantais (1784) étudiés par Christine Chapelain-Nougaret en 1984, ou encore sur les aéronautes bordelais par Luc Robenne en 1997, à ce jour aucun ouvrage n’avait proposé une étude complète de la question au travers de l’Europe entre 1783 et 1785. Ainsi, l’auteur a recensé pas moins de 43 ascensions humaines entre novembre 1783 (Pilâtre de Rozier et le marquis d’Arlandes) et août 1785, dont 34 en France, 7 en Grande-Bretagne et 2 en Italie. Invention française, bien évidemment, que celle de la Montgolfière, mais aussi invention française que celle de la « charlière » de Jacques Charles. C’est d’ailleurs ce ballon à « air inflammable » (hydrogène), bien plus efficace que l’air chaud, qui fut aussitôt retenu par le monde des sciences et celui du spectacle, pour le plus grand plaisir du public.
Car, bien loin des récits classiques, lesquels se sont plus attachés aux faits eux-mêmes qu’à leurs causes et à leurs conséquences, l’auteur a considéré cette fois l’aéronautique comme un objet à part entière de l’histoire culturelle de l’époque des Lumières, analysant les expériences menées par les premiers pionniers, étudiant l’organisation financière de tels événements, « révélant une forme de consensus des élites et du peuple autour du ballon devenu emblème de progrès » alors même que la Révolution pointe déjà à l’horizon.
Aussi, si on cherche un récit chronologique des événements aérostatiques, il conviendra plutôt de relire les ouvrages de Lecornu du début du XXe siècle. Mais si, en revanche, on s’intéresse aux approches nouvelles de l’histoire de l’aéronautique telle qu’elle apparaît depuis quelques années maintenant dans les travaux d’une poignée de chercheurs, on lira avec grand intérêt cet ouvrage, lequel remet des idées en place et surtout ouvre de nouvelles pistes d’études.
Thierry Le Roy
352 pages, 15,5 x 24 cm, broché
– Coup de cœur 2009 de l’Aérobibliothèque