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L’alouette affolée

Gilbert Boulanger

La quatrième de couverture commence ainsi : « Gilbert Boulanger est un homme hors du commun. » Venant d’un éditeur, ce genre de postulat n’est pas étonnant. Que ne va-t-il coucher sur le papier les souvenirs d’un homme ordinaire, n’ayant rien fait de sa vie, ni rien vécu vaillant d’être raconté ?

Parfois ce sont des petits détails qui nous plaisent, inconsciemment. J’ai été séduit d’emblée par le format, un peu inhabituel, de 12 x 21 cm, et le glacé de la couverture. Si le plumage me plaisait, qu’en était-il du ramage ?

Cette autobiographie a été rédigée en 2009 et fut publiée en mars 2010, dans la collection « Mémoire des Amériques ». Mais on parle là du continent, et non pas des États-unis d’Amérique, car Gilbert Boulanger est Canadien. Plus précisément, vous l’aurez deviné, il est Québécois.

Comme Raymond Lallemant l’avait fait dans son « Rendez-vous avec la Chance », l’auteur entame son récit par une mission de bombardement qui se finit mal : deux de ses équipiers sont morts et il est le seul à s’en sortir sans blessures. Le style particulier charme assez vite, il est clair, un peu lyrique parfois, avec quelques anglicismes si fréquents en aviation. Puis Gilbert commence à raconter sa vie, comme tout un chacun, par son enfance marquée par le décès de sa mère. Les noms de lieux et les noms de famille propre au Québec apportent une touche de fantaisie et d’exotisme pour le lecteur européen. Et puis la famille Boulanger vit à Montmagny ; et l’un de mes sujets d’étude, un autre aviateur canadien enterré dans ma région, est précisément de Montmagny lui aussi. Depuis que j’ai entamé ce livre, je m’interroge : les chemins de Gilbert Boulanger et de Paul Émile Roy se sont-ils croisés un jour sur les rives du grande fleuve ?

La vie au grand air préparait sans doute le jeune Gilles (on l’appelait comme cela aussi) à l’engagement dans la Royal Canadian Air Force. Une courte scolarité et la déclaration de la guerre le pousse à s’engager juste après son 18e anniversaire. Comme tous ceux qui s’engagent ne rêvent que de vols et de victoires aériennes, mais les débuts sont plutôt terre à terre. Il postule comme élève-pilote, mais l’attente avant l’instruction est longue. Pour participer plus vite à cette guerre que certains pensent courte, il accepte de devenir mitrailleur, formation bien plus abrégée. Quittant le Canada pour le Royaume-Uni, il est ensuite muté à l’escadrille 425 « Alouette », basée en Afrique du Nord. C’est là qu’il entame son tour d’opérations, à l’été 1943, marqué par le brutal atterrissage de son Wellington, endommagé en mission ; il sera le seul à s’en sortir sans mal. Poursuivant les missions en tant que mitrailleur remplaçant, il suit son unité quand elle est rapatriée en Angleterre pour voler sur Halifax et mener des raids sur l’Europe du Nord-Ouest.

Lucide sur son parcours de jeunesse, son ignorance et sa naïveté, ses sentiments et ses rencontres, L’alouette affolée est un beau témoignage sur cette période. Si on peut le conseiller aisément à un passionné d’aviation, de biographies d’aviateurs, de la Royal Air Force, il pourra sans mal constituer un beau cadeau pour tout lecteur curieux et néophyte dans le domaine aérien, et cela est une bien grande qualité.

Qu’ai-je regretté à la lecture du livre ? D’une part, l’absence totale d’illustrations. À quoi peut bien ressembler Gilbert Boulanger ? Il faut aller sur internet pour trouver son portrait, et même le récit de son vol en 2010 sur un CF-18 Hornet, l’actuelle monture de son ancienne unité.

On peut regretter aussi certaines traductions peu heureuses, mais qui ont peut-être cours outre-Atlantique, comme ce récurrent et très désagréable « Viseur de lance-bombe », là où « bombardier » voire « pointeur » a davantage de sens, de même que le choix d’un Lancaster sur la couverture, quand Gilles Boulanger n’a volé que sur Wellington et Halifax, de même quelques menues incohérences que seuls les plus exigeants des lecteurs remarqueront.

Répétons-le, l’attrait du livre est bien ailleurs : c’est une savoureuse autobiographie, un beau parcours qu’on suit pas à pas, auquel on s’attache, et dont on regrette qu’un ultime chapitre ne couvre pas la vie de l’auteur après la Seconde Guerre mondiale. Une belle histoire à lire… ou à offrir.

Communiqué de l’éditeur


270 pages, 12 x 21 cm, couverture souple

Ouvrages édités par
En bref

Éditions Lux Montréal

ISBN : 978-289596-096-6

19 €