L’amour de l’Alsace et de la Lorraine est quelque chose de presque génétiquement modifié chez les Français. Davantage qu’un goût prononcé pour les vins d’Alsace ou de Moselle, c’est peut-être la mémoire sensorielle de la terrible douleur d’une amputation ancienne qui nous attache tant à ces provinces. Quoiqu’il en soit, après les boucheries de la Grande Guerre qui trouvèrent leur justification dans le retour de l’Alsace-Lorraine sous le drapeau tricolore, ces deux provinces furent encore au cœur des affrontements durant l’hiver 1944-1945. Après la libération de Strasbourg et de Mulhouse, les Allemands s’enferment dans la poche de Colmar, avec toutefois la ferme intention de ne pas se laisser faire. Au serment de Koufra s’oppose la volonté irraisonnée de Hitler de s’accrocher à l’Alsace, alors même que les Soviétiques approchent dangereusement de Berlin. Pire encore, la maître du Reich dépêche à Colmar son « Reichsführer » Heinrich Himmler qui prend le commandement du dispositif allemand, espérant naïvement ou stupidement récupérer une situation que rien ni personne ne peut sauver.
Dans le ciel, aux côtés de la toute puissante USAAF, l’armée de l’Air participe activement à la bataille avec un nouveau déploiement prometteur et libéré du commandement tactique allié, le 1er Corps Aérien Français.
Le rôle de l’armée de l’Air au-dessus de Colmar est superbement exposé dans l’ouvrage L’armée de l’Air dans la bataille de la poche de Colmar. Le découpage du livre est très intéressant. Les auteurs s’intéressent d’abord globalement à la campagne aérienne sur la poche de Colmar et traitent des niveaux supérieurs du commandement et de la planification de la campagne avant de faire le détail quotidien des missions françaises et interalliées et de finir par le détail des opérations par unité. Cette présentation donne le sentiment d’une vision très complète du rôle des aviateurs français dans le contexte de cette bataille et dans leur environnement interallié.
Il faut noter les nombreuses photographies de reconnaissance aérienne à haute altitude qui donnent à cet ouvrage un goût particulièrement savoureux pour ceux qui s’intéressent au niveau stratégique et opératif des opérations militaires, généralement oubliés ou jugés peu intéressants.
C’est un superbe et très enrichissant travail d’historien assorti d’un peu de stratégie qui nous est proposé dans cet ouvrage très agréable à lire ou à consulter, d’autant plus qu’il flatte ce gène national modifié avec l’idée, pas tout à fait exacte mais bigrement sympathique, que ce sont des Français qui ont reconquis l’Alsace… et qui ont accessoirement ridiculisé Himmler.
T. Larribau
308 pages, 21 x 29,7 cm, couverture souple.