L’Armée de l’Air, institution qui a vécu simultanément ses premiers combats et sa première défaite, a été le bouc émissaire de premier choix pour expliquer la défaite militaire de 1940. Après sa naissance aux forceps, son développement chaotique au mieux et sa première guerre perdue, l’Armée de l’Air n’a pas résisté aux intrigues qui ont suivi la défaite, du démembrement subtil à la dissolution pure et simple, en passant par l’inféodation totale aux « terriens ».
Il est bien difficile de dire que, lorsque l’Armée de l’Air renaquit en tant qu’institution en 1942, cette renaissance se fit de ses propres cendres. Entre temps, les Forces Aériennes Françaises Libres, avec leur uniforme bleu « Louise » aux boutons d’or qui séduisirent les Anglaises, ont incarné pendant deux ans une Armée de l’Air officieuse, engagée dans le combat pour la Libération, tandis que l’Armée de l’Air d’armistice, en Afrique du Nord, subissait de plein fouet la politique de Vichy, jusqu’à se battre contre la Royal Air Force, son alliée de Juin 1940.
Après le débarquement anglo-américain en Afrique de 1942 et le ralliement, presque forcé, des troupes françaises du Maghreb aux alliés, la constitution d’une quasi-nouvelle Armée de l’Air, fruit de la fusion des FAFL et de l’Armée de l’Air d’armistice, devint un impératif. ette renaissance, sur des bases aussi complexes, n’était pas du tout une partie aisée, d’autant que la France métropolitaine était toujours occupée et que les Français ne disposaient pas d’industrie d’armement pouvant suppléer à leurs carences.
Dans L’Armée de l’Air de la Victoire, Patrick Facon, directeur de recherches au Service Historique de la Défense/Air et historien reconnu de l’histoire de la genèse de l’Armée de l’Air, dresse l’histoire de cette renaissance confuse et délicate. Le livre est découpé en dix chapitres qui suivent la ligne chronologique. Commençant avec l’Opération Torch et l’attitude des aviateurs français durant ces événements, Patrick Facon détaille ensuite la refondation politique, doctrinale et morale de l’Armée de l’Air. Il aborde ensuite les difficiles questions attenant au commandement d’une telle armée à reconstruire et les difficultés rencontrées avec la confrontation des FAFL et des anciens de Vichy. Il explique ensuite les détails des plans de réarmement, à court et long terme, lesquels ont présidé aux destinées de l’Armée de l’Air jusqu’en 1945, voire bien au-delà, jusque dans les années soixante. L’aspect opérationnel est également abordé, mais dans une moindre mesure.
L’Armée de l’air de la Victoire clôt une trilogie consacrée à l’Armée de l’Air de sa naissance à 1945. Ce livre, ou plutôt son sujet, ne manquera pas de plonger le lecteur dans un abîme de doutes et de pensées. Bien racontée par Patrick Facon, malgré un sujet très difficile et délicat encore aujourd’hui, l’histoire de cette Armée de l’Air à reconstruire comporte un certain nombre d’enseignements que les aviateurs militaires se doivent d’étudier.
Timothy Larribau
244 pages, 155 x 240 mm, couverture souple