C’est une œuvre qui a pris le temps de mûrir. Alain Crosnier n’est sans doute pas le plus prolifique des auteurs mais sans doute l’un des plus sérieux et des plus érudits. Depuis plus d’une quinzaine d’années, il travaillait en toute discrétion à un sujet qui lui tenait particulièrement à cœur, l’aviation française en Afrique du Nord . Nous en avions eu un avant-goût dans une trilogie plus modeste qui, bien qu’auto-publiée, avait connu un net succès.
Lorsque l’on évoque le sujet de l’Afrique du Nord, il est évident que ce sont les opérations aériennes de la Guerre d’Algérie qui viennent à l’esprit. Elles en font évidemment partie, mais cette histoire est beaucoup moins restrictive que cela. Ceci explique le temps qu’il a fallu à l’auteur pour arriver à boucler un sujet qui fut longtemps l’un des parents pauvres de l’historiographie de l’aéronautique française.
De 1940 à 1967, période couverte par les deux tomes de cet historique, ce sont des centaines d’appareils de l’armée de l’air qui ont été basés en Afrique du Nord. Il y eut des avions évadés de France en raison de l’offensive allemande et de l’Occupation, suivis de ceux qui, fournis par les Alliés, participèrent à la Libération. Il faut compter aussi avec les avions école, de soutien, les chasseurs en charge de protéger cette part du territoire français et bien sûr, sur tous les appareils, avions et hélicoptères, qui furent employés pour jouer un rôle dans les combats de la guerre d’Algérie.
Le premier tome, après un court chapitre consacré à l’aviation française en Afrique du Nord pendant la Seconde Guerre mondiale, évoque tour à tour les différentes écoles présentes sur cette zone géographique, les unités de liaison, les unités de chasse, y compris lourde, tout temps ou de nuit qui eurent pour point commun d’avoir été basées au Maroc, en Tunisie et en Algérie après-guerre.
Le second tome se penche plus particulièrement sur les unités combattantes, les multiples escadrilles d’aviation légère d’appui, les unités de bombardement et de reconnaissance, les unités « sahariennes », les groupes de transport et les hélicoptères dans leurs différentes fonctions. Il est complété par les unités d’essais, de sauvetage, ainsi que par les ateliers industriels, pour s’achever avec la présence ponctuelle des unités de métropole, celles de transport aérien ainsi que les détachements de chasseurs normalement basés en France.
Il s’agit ici d’un ouvrage « cadre » qui, en raison de l’ampleur du sujet, fixe les éléments essentiels des innombrables unités concernées. Nombre d’entre elles sont peu connues et donc peu documentées, ce qui rend ces historiques parfois succincts (mais toujours complets), couvrant autant leurs équipements, leurs bases que leurs évènements majeurs, absolument incontournables.
L’intérêt de ces ouvrages réside essentiellement dans le fait qu’ils contentent les amateurs curieux, mais constituent surtout une référence ou une base de départ pour les spécialistes et les chercheurs. C’est dire l’importance que le travail d’Alain Crosnier revêt désormais : il fixe, et sans doute pour un long moment, des éléments historiques essentiels qui n’étaient alors accessibles que dans les cartons des services historiques et dans les souvenirs des anciens. Et puisqu’en conclusion il faudra bien dire que ces deux livres sont indispensables dans toute bibliothèque qui se respecte, c’est sans doute essentiellement à ce titre. Mais pas uniquement, car ce travail d’historien n’est pas forcément aride. Il est soutenu par une profusion de photographies, autour de 1500 pour l’ensemble des deux tomes, pour la plupart jamais vues jusqu’à présent. Elles couvrent avec exhaustivité l’ensemble des aéronefs et des unités traitées, ce qui constitue un tour de force éditorial.
Ces photos sont en noir et blanc pour la plupart, mais la proportion de clichés en couleurs est assez importante et la qualité de reproduction est à l’avenant. Tout au plus pourra-t-on regretter que certaines soient publiées en un format un peu petit ; c’est là le seul reproche que nous pourrions faire, preuve qu’il a fallu « forcer » pour tout faire entrer dans un nombre de pages compatible avec l’investissement raisonnable que constitue cette œuvre à la présentation sobre et agréable, imprimée sur un papier de qualité.
Même si les ouvrages sont dissociables, il serait logique d’avoir les deux au chaud dans les rayons de sa bibliothèque pour toutes ces raisons, d’autant plus que si le terme indispensable est souvent galvaudé, nous vous prions de croire que ce n’est vraiment pas le cas ici lorsque nous qualifions ainsi ces deux tomes qui comblent réellement un vide dans l’histoire de l’armée de l’Air et de l’aviation française.
Frédéric Marsaly
192 pages, 21,5 x 30,7 cm, relié
1,275 kg
Cet ouvrage en deux volumes a reçu le prix GIFAS au Salon du Livre des 12e Rencontres Aéronautiques et Spatiales à Gimont le 1er octobre 2016.
L’Armée de l’Air en AFN tome 1
L’Armée de l’Air en AFN tome 2
Avec l’aimable autorisation de
© Histoire & Collections
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