Ce livre n’est pas une bande dessinée d’aviation. Dans ces conditions, que fait-il dans l’Aérobibliothèque ? On y trouve certes des Bf 109, He 111, MiG-3, Fi 156 « Storch », Il-2 « Chtourmovik », Ju 88, etc. mais toute l’action se passe au sol. Le personnage central affirme avoir été dans la Luftwaffe, et on comprendra, vu l’âpreté de ses actuelles conditions de vie — ou plutôt de survie — qu’il manifeste des regrets à l’idée de l’avoir quittée.
Hiver 1943. Quelque part sur le front de l’Est. Des troupes de la Wehrmacht attendent le choc avec les Soviétiques. Un Oberleutnant décolle à bord d’un Storch et évalue les troupes russes.
Flashback : novembre 1942, dans un camp d’entraînement d’Ukraine. De gais (et naïfs) gaillards rêvent d’en découdre avec les bolcheviks. Un train les y mène…
On comprend rapidement que s’il y a bien un personnage central (Kessler), il ne sert que de fil rouge à une histoire à la précision presque documentaire. Il y a le même écart entre la bande dessinée d’Olivier Speltens et la classique « bande dessinée de guerre » qu’entre le film « Stalingrad » de J. Vilsmaier et celui de J.-J. Annaud. Pas de « héros », ni même d’anti-héros : juste un jeune gars qui part plein d’allant « bousiller les popov » et qui s’enfonce petit à petit dans la rudesse de l’hiver russe et l’horreur du front de l’Est. Le lecteur féru d’Histoire comprendra que le récit (dont quatre tomes sont prévus) débute au moment où le IIIe Reich commence à plier face aux troupes soviétiques et qu’il se terminera vraisemblablement à Berlin au moment de sa chute.
Bande dessinée de guerre ? Plutôt un livre très humain, étonnamment documenté avec un réel souci du détail « vrai » : on y retrouve quantité d’anecdotes propres à la guerre sur l’Ostfront. Il est évident qu’Olivier Speltens a su exploiter une documentation très riche… et qu’il a beaucoup lu de récits de souvenirs de combattants. Il a sans doute lu Kaputt de Malaparte et vu Stalingrad de Vilsmaier. En tout cas, son récit est prenant et sonne terriblement « vrai » et juste.
Sans s’étendre sur le graphisme et la mise en couleur dont le lecteur aura un aperçu dans les planches ci-dessous, on applaudira (ça réchauffe) le rendu du froid mordant qui donnerait envie d’enfiler un bonnet et des gants pour poursuivre la lecture.
Même si elle n’est « aéro » que par la présence de quelques avions, cette bande dessinée a retenu toute notre attention par son haut niveau de qualité, tant en ce qui concerne le scénario que le dessin ou la mise en couleur. Sans conteste, une grande bande dessinée, d’une puissante humanité.
Philippe Ballarini
48 pages, 24 x 32 cm, relié couverture cartonnée
– Les albums de la série L’armée de l’ombre
Avec l’aimable autorisation de © Éditions Paquet
Avec l’aimable autorisation de © Éditions Paquet