Une couverture alléchante, un titre qui « accroche », mais un sous-titre qui fait tiquer : Comment le Japon a failli gagner la guerre. Aïe ! Il est généralement admis que dès l’attaque de Pearl Harbor, le Japon allait gagner… une place de perdant. L’Empire du Soleil Levant n’avait pas, à notre connaissance, envisagé une guerre longue que ses stratèges éclairés savaient perdue d’avance ; il s’agissait « simplement » pour les Nippons de marquer un coup d’arrêt à l’expansion états-unienne dans le Pacifique et de réussir l’extension de leur « sphère de coprospérité ». Au soir du 7 décembre 1941, l’amiral Yamamoto considérait que la supériorité japonaise dans l’océan Pacifique ne durerait que six mois. Voyons donc comment l’auteur justifiera ce sous-titre dans ce pavé de plus de 500 pages, ou si celui-ci est juste une esche* pour attirer le lecteur potentiel. Christian-Jacques Ehrengardt avait coutume de dire : « L’Allemagne a perdu la guerre parce qu’elle ne pouvait pas la gagner. » ; voyons si c’est vrai ou faux en ce qui concerne le Japon.
Voilà un ouvrage qui tranche avec le reste de la production de Caraktère. En effet, cet éditeur nous a habitués à des livres reliés dans un grand format proche du A4. Et nous voilà avec un « pavé » à couverture souple de 528 pages et de 4 cm d’épaisseur. Les 29 chapitres présentent, par ordre chronologique, les différents combats qui opposèrent l’Empire du Soleil Levant à ses ennemis, ceci par lieu des batailles. Nous avons droit à des descriptions très détaillées de ces batailles, et ce jusqu’à un échelon tactique. Cela n’empêche pas Simon Le Bouché d’évoquer largement les questions d’ordre stratégique, nous présentant à la fois vue d’ensemble et vue de détail. Si ce n’étaient quelques petites approximations, essentiellement sur le matériel, et une certaine lourdeur en raison de la volonté de proposer un livre aussi exhaustif que possible, le contenu a de quoi séduire. Notons qu’il contient un cahier de 16 pages de cartes en couleur et un autre de photographies en noir et blanc fort bien reproduites sur papier glacé.
Le livre est ambitieux, magistral et d’une grande richesse. Après une lecture attentive, on prendra le sous-titre Comment le Japon a failli gagner la guerre comme un simple artifice de l’éditeur pour attirer le chaland, cette possibilité stratégique n’apparaissant nulle part au fil des 528 pages. On pourra également regretter l’absence d’un index onomastique pourtant fort utile pour un tel volume. Mais surtout, l’ouvrage pèche par un façonnage beaucoup trop léger. Ce livre n’est pas assemblé sous forme de cahiers cousus-collés, mais de feuillets simplement thermocollés contre le dos de la couverture, à la manière des documents que présentent les étudiants. Ces feuillets se décollent facilement (trop facilement) à la lecture. Bien qu’ayant été manipulé avec le plus grand soin, notre exemplaire n’était plus à la fin de la lecture qu’un amas de feuillets quasiment tous séparés de la couverture. Dommage ! Cet ouvrage aurait mérité une bonne place dans notre bibliothèque en tant que livre de référence. Mais un livre de référence auquel on ne peut plus se référer n’est plus un « livre de référence ».
Philippe Ballarini
* esche (ou boette) : l’appât que le pêcheur à la ligne fixe à l’hameçon. L’asticot, par exemple, est une bonne esche.
528 pages, 15 x 23 cm, couverture souple
0,850 kg
Table des matières
Introduction
01 – Pourquoi la guerre ?
02 – Les forces navales en présence
03 – Les plans japonais
04 – Les premières offensives
05 – Les Américains en première ligne
06 – La conquête de la Malaisie
07 – Les Philippines dans la tourmente
08 – Bataan, nouveau fort Alamo
09 – Corregidor, le Gibraltar de l’Est
10 – Les Indes néerlandaises
11 – Poussée en coin à Rabaul
12 – Combat international en Birmanie
13 – Comment maintenir la pression ?
14 – Rapports de forces dans le Pacifique Est
15 – Les plans contre la Nouvelle-Guinée
16 – Les prémices d’un échec
17 – L’aviation en avant-garde
18 – Aéronavales américaine et japonaise
19 – Les préparatifs alliés pour sauver l’Australie
20 – Sur le sentier de la guerre
21 – Tactiques décisives à Midway
22 – S’emparer de l’initiative
23 – Guadalcanal, plantations tropicales et terrain d’aviation
24 – Une guerre d’usure dans le Pacifique Sud-Ouest
25 – Intensification des combats
26 – Le retour du combat de surface
27 – Un retrait inéluctable
28 – La piste de Kokoda
29 – 1942, du triomphe à l’échec
Notice bibliographique