Comment lancer une série dérivée ? Surtout lorsque celle-ci se déroule trois décennies avant la série d’origine ? C’est le défi que s’est lancé Kraehn en choisissant de raconter la jeunesse de Tanguy-la-vie-dure, personnage secondaire de son célèbre Tramp. Ainsi, le premier tome de L’aviateur débute par trois planches séparées du propos principal, expliquant comment Yann a reçu les mémoires de Tanguy.
Prévenons tout de même les fans de Tramp : l’univers du jeune Josef Schäfer, qui deviendra Tanguy, n’est pas du tout le même que celui de leur série habituelle. Nous sommes en Afrique orientale allemande, dans la famille d’un missionnaire protestant passant d’un village à l’autre en Albatros B.II, pendant que les armées belge, allemande et britannique s’affrontent à la fin de la Première Guerre mondiale. Kraehn inscrit d’emblée sa fiction dans l’Histoire, avec des considérations tactiques et militaires ; mais il ne s’agit pas d’un récit guerrier ou, plutôt, la guerre qui importe est celle d’un adolescent têtu contre son éducation rigoriste. Ce récit initiatique ne brille pas toujours par son originalité, mais il est bien mené, soigneusement équilibré entre premiers émois, nécessité de tuer le père et éveil aux conséquences de ses décisions. Il met surtout en scène premiers rêves et premières désillusions — on pressent que Josef ne va pas avoir une vie facile dans les prochains tomes.
Aux pinceaux, Arnoux, Millien et Jambers fournissent un travail classique, conforme aux canons actuels : trait réaliste, expressif sans excès, mise en page dynamique, colorisation homogène et élégante.
L’ensemble forme un récit d’aventures somme toute plutôt traditionnel, bien intégré dans son cadre historique, dont la tonalité et la forme pourraient rappeler les séries de l’Épervier de Cothias. Sans être révolutionnaire, c’est maîtrisé et agréable, parfaitement à sa place dans toute bédéthèque.
Franck Mée
64 pages, 23,5 x 31 cm, couverture cartonnée
– Les albums de la série L’aviateur
Avec l’aimable autorisation des
© Éditions Dargaud
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