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L’aviation légère en France

1920 – 1942
Roger Gaborieau

Regards croisés : deux regards différents pour un même ouvrage.

Le commentaire de Pierre-François Mary
Le commentaire de Jean-Noël Violette


L’ouvrage publié par les éditions Bleu Ciel Diffusion vient incontestablement combler une lacune dans la littérature consacrée à l’aéronautique dans notre pays entre les deux guerres mondiales, abordant ce qui fut pourtant souvent pour une grande part de nos concitoyens la seule preuve tangible du développement rapide de l’aviation dans les années qui suivirent la Grande Guerre, s’ils ne se trouvaient pas à proximité d’une base aérienne ou des ateliers d’un constructeur.

Le livre de Roger Gaborieau offre une approche globale du vaste sujet que représente l’aviation légère, dont il est toujours difficile de donner la signification précise. Il s’en est tenu à trois axes principaux : la pratique du vol à moteur, le vol à voile et l’aéromodélisme, mais en explorant de nombreuses pistes transversales, parfois communes aux trois thèmes, telles que la documentation de vol, la formation des instructeurs, les institutions et associations, les revues spécialisées, etc., constituant ainsi une mine d’informations certainement inédites, et formant un excellent exemple de cet histoire de l’environnement aéronautique dont nous avons trop souvent regretté le faible développement dans notre pays.

L’ensemble est scindé en deux grandes parties, chacune couvrant approximativement une décennie et complétée par un panorama des avions « légers » qui étaient alors utilisés en France, rappel particulièrement utile, même si une approche un peu plus technique aurait été appréciable, allant par exemple plus loin que la simple stigmatisation récurrente de l’emploi de la construction bois et toile par les constructeurs français pendant cette période, technique après tout employée avec un certain bonheur en Grande-Bretagne par De Havilland ou Miles, ou encore par Robin jusqu’à une époque récente.

L’ouvrage se conclut par une sorte d’épilogue, évocation également inédite pour un grand nombre de lecteurs des tentatives faites pour maintenir en vie les sports aériens dans la zone sud de la France après la défaite de 1940.

En parcourant cet imposant travail, on peut regretter que la trame chronologique soit parfois un peu floue ; la période de l’entre-deux-guerres est paradoxalement à la fois très courte — une vingtaine d’années, mais aussi le témoin de très importants changements — sans que les choses puissent évoluer du jour au lendemain…
Si les constructeurs français perdent progressivement du terrain par rapport à leurs concurrents étrangers au cours de ces deux décennies, peut-on pour autant leur reprocher d’utiliser, dans l’immédiat après-guerre, des techniques apparues au cours d’un conflit qui fut le témoin de progrès considérables ? Les constructeurs allemands ne font-ils pas finalement de même, confirmant simplement l’avance industrielle et scientifique de leur pays, ce qu’un point de vue un peu trop cocardier a tendance à faire parfois oublier dans notre pays.
Autre exemple : s’il existe certainement un enthousiasme de la jeunesse pour les sports aériens au cours des années trente, transposer celui-ci à la décennie précédente nous paraît beaucoup plus discutable; le mot « jeunesse » a-t-il d’ailleurs le même sens dans les années qui suivent la fin de la guerre, quand une bonne part des jeunes hommes de moins de trente ans a connu l’enfer des combats ? S’il y a un enthousiasme certain pour l’aéronautique, peut-il se concrétiser par une aspiration à pratiquer des sports aériens pratiquement inexistants – l’auteur nous montre bien qu’avant 1930, le vol à voile comme l’aéromodélisme apparaissent davantage comme des activités expérimentales et scientifiques, et la faible activité aériennes des clubs au même moment n’est pas réellement favorable à faire naître des vocations.

Quoi qu’il en soit, le travail de Roger Gaborieau – superbement illustré — demeure une formidable introduction à cet aspect d’une période charnière, complément indispensable à la compréhension d’autres facettes de l’histoire aéronautique de notre pays.
La trop courte bibliographie, dans laquelle les ouvrages de Vital Ferry — comme celui consacré à l’Aviation Populaire — auraient eu bien davantage leur place que le très médiocre Patrimoine de l’Aviation Française, nous donne une idée des difficultés rencontrées pour produire un tel ouvrage ; espérons que la lecture de ces pages servira de catalyseur pour de futures recherches sur ce thème passionnant: il reste encore beaucoup de sources, peut-être moins rares que dispersées, dont l’exploration en profondeur permettra de préciser certaines images qui nous viennent d’une presse spécialisée de l’époque, souvent enthousiaste, parfois polémique…

Pierre-François Mary


Cela fait longtemps qu’il en rêvait !
Ayant accès à la riche collection photographique du musée régional angevin « Espace Air Passion » et à l’important fonds documentaire accumulé par Christian Ravel, Roger Gaborieau avait le dessein de publier une étude sur l’aviation légère dans ses premières années. On ne parle pas du début du XXe siècle, car jusqu’à la première Guerre Mondiale il y avait une seule aviation, celle des pionniers, qui prit du poids avec l’arrivée de ses missions guerrières. Ce n’est donc qu’une fois la paix revenue qu’on put distinguer une aviation « légère », à vocation essentiellement touristique, des aviations commerciales et militaires qui avaient pris de l’embonpoint, et ne cesseraient d’en prendre.
Voici donc cette œuvre conséquente sur nos étagères, et la période retenue a donc été de 1920 à 1942, nous verrons plus loin pourquoi ce second millésime. Elle se présente davantage comme une encyclopédie que comme une simple chronologie, le cours historique reprenant ses droits à l’intérieur d’une multitude de chapitres.

On peut être déboussolé au début de cette lecture. En effet, qui dit « encyclopédie » dit juxtaposition de sujets très différents, même s’ils se rapportent tous au thème général, dans le but de tendre vers une certaine exhaustivité. On peut donc passer d’un chapitre au suivant sans ressentir une trame ou une articulation de l’un à l’autre.
Mais comme tout est passionnant pour qui s’intéresse à cette aviation un peu négligée jusque là et à cette époque fondatrice, on se laisse finalement emporter, un peu comme si on décidait d’ouvrir un « Tout l’Univers » et d’en faire défiler les pages avec gourmandise.

Les thèmes qui m’ont le plus séduit sont ceux concernant les aviettes, la restitution de la vie d’un club d’aviation et d’un aérodrome, une revue de détail des machines les plus emblématiques de cette épopée, mais bien d’autres sont également enrichissants. Un sujet plus transversal est aussi très intéressant : celui de la corrélation entre les primes d’achat et les volumes de production des avionneurs. Au passage, il manquerait une petite chose, une traduction des francs de ces époques en euros actuels, pour mieux réaliser chaque fois qu’une somme est donnée.

Au delà des textes, déjà de bonne facture (mais l’auteur est connu pour plusieurs parutions dont sa revue apériodique Bleu Ciel), le point fort de ce livre est certainement l’iconographie. Les photos qui illustrent cet ouvrage sont remarquables de par leur qualité et bien souvent de leur originalité.
Relire un tel volume n’a pas du être de tout repos, même pour un professionnel, et peut-être le fut-ce sous la contrainte d’une date de publication annoncée dans le cadre d’une souscription ? On trouve en effet, en petit nombre heureusement, quelques fautes ou erreurs qui ont dû échapper au correcteur. Il en est ainsi de quelques accents sur Clemenceau ou Breguet, de quelques étourderies (Peyret/Garros réglant un tir à travers l’hélice en avril 1914, les « frères Lilienthal », la définition du CLAP…), et de ces petites erreurs grammaticales qui échappent toujours à plusieurs relectures.
Mais rien de bien grave, et pas de quoi nous gâcher le plaisir de feuilleter cette encyclopédie, voire d’y plonger pour une recherche précise. Pour nous y aider, une table des matières très détaillée est présente en fin d’ouvrage. On peut juste regretter qu’un index onomastique n’y soit pas joint.

Les dernières pages nous présentent également une étude sur les sports aériens sous l’Occupation, rédigée par le regretté Jacques Marceau, ce qui explique cette butée de 1942 choisie à juste (sous-)titre pour ce livre. Quelques pages sont aussi consacrées à des annexes qui, si elles sont intéressantes, manquent un peu d’explications : on ne sait pas par exemple à quoi se réfère l’annexe 3, même si on a plaisir à la parcourir.

C’est en tout cas un ouvrage très complet et très agréable à lire que Roger Gaborieau nous offre là. Nous n’avons plus qu’à espérer qu’il poursuive dans cette veine et nous raconte un jour la suite : l’aviation légère après-guerre.

L’aviation légère en France 1920-1942 ? Deux bons kilos de douceur dans le monde plus pesant des autres aviations.

Jean-Noël Violette


368 pages, 21 x 29,7 cm, relié

Plus de 600 photos
Préfaces de Jean-Michel Ozoux, président de la Fédération Française Aéronautique, et de Christian Ravel, fondateur du Musée Régional de l’Air d’Angers.


L'aviation légère en France
L’aviation légère en France

Avec l’aimable autorisation de © Bleu Ciel Diffusion

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Bleu Ciel Diffusion ISBN 978-2-918015-17-8 64 €