L’aviation militaire en Indre et Loire, ce sont avant tout les divers aérodromes aménagés dans les environs de la ville de Tours, au premier rang desquels celui de Parçay-Meslay devenu aujourd’hui Saint-Symphorien, dont la vocation de base école née en 1915 verra sa conclusion dans quelques mois avec le déménagement de l’école de chasse de l’armée de l’Air vers Cognac, sans compter les nombreuses unités opérationnelles de toutes nations qui s’y sont succédées; c’est aussi une important station radar militaire à Saint Mars la Pile, qui couvre une bonne part de l’Ouest de la France – occasion ici de découvrir des installations et des unités mal connues; ce sont enfin quelques aérodromes plus ou moins temporaires, tels que ceux qui furent sommairement aménagés en 1940 et 1944, ou bien celui du camp de la lande du Ruchard, dont l’existence est juste évoquée.
Les auteurs sont familiers de longue date avec les lieux, ce qui leur a permis de rassembler une vaste documentation, dont une iconographie particulièrement riche qui illustre ici un ouvrage conçu comme une chronologie de l’activité militaire sur chacun des principaux sites décrits.
Mais si les (anciens) militaires passés en ces lieux y trouveront certainement de quoi raviver leurs souvenirs, et si les spécialistes pourront compléter leurs informations, il faut avouer que nous ne sommes pas particulièrement convaincus par la forme prise par l’ouvrage… Deux exemples préciseront notre opinion :
– « 18 octobre 1960: au décollage pour un vol de nuit, le lieutenant Bellet du I/30 brise le diabolo arrière du Vautour IIN n° 320″. Certes l’incident n’est pas anodin, mais au milieu d’autres événements sans rapport, a-t-il vraiment un sens. Est-il le signe d’une faiblesse de la structure du Vautour ou celui d’une difficulté des équipages à maîtriser son train monotrace, combien d’incidents similaires ont eu lieu à Tours ou dans d’autres unités, etc.
– De même: « Mars 1943: le terrain [Tours] accueille également une escadre [sic] de Focke-Wulf Fw 190 spécialisée dans l’attaque au sol… ». Pour combien de temps ? Dans quel but ? Il faut parcourir plusieurs pages pour voir la même unité revenir, qui semble donc être partie entre temps…
Bien sûr l’ouvrage semble assez bien documenté, mais une telle « histoire à monter soi-même » a-t-elle un sens ? On nous répondra que l’ouvrage n’est pas celui que nous attendions, que les auteurs n’ont pas la prétention d’être des historiens (nous attendons toujours le quatrième de couverture qui préviendra le lecteur que le livre d’histoire qu’il a dans les mains n’a pas été écrit par un historien…), etc. C’est vrai dans un sens, nous attendions un véritable ouvrage construit, et non un simple empilement de faits sans aucune hiérarchisation d’importance, un ouvrage qui fasse la synthèse de l’activité aéronautique militaire en Touraine (accessoirement avec une véritable bibliographie et des sources détaillées..), ceci de la part de bons connaisseurs du sujet (Didier Lecoq est l’auteur de l’un des meilleurs sites web consacrés à l’histoire aéronautique locale).
L’histoire des lieux aéronautiques — de l’environnement aéronautique au sens large, s’est réellement développée dans notre pays en même temps que l’Aérobibliothèque, pour la même raison, grâce aux possibilités de communication offertes par Internet, les échanges sur les Aéroforums le montrent chaque jour, mais si des exceptions remarquables ont vu le jour depuis, un trop grand nombre d’ouvrages consacrés à ce thème se contentent de montrer les trouvailles de leurs auteurs comme on montrerait sa collection de timbres, sans qu’une méthodologie d’étude se mette en place. Sommes-nous trop ambitieux ?
Pierre-François Mary
P.S. À la date du 26 août 1939, il est mentionné une instruction précisant les modalités de l’installation des services du ministère de l’Air à Amboise, dont le service historique à Nozelle (dans le château de la Vallière, exactement). Il est dommage que rien ne soit dit sur le sort de ces archives historiques qui y furent capturées par les troupes allemandes en juin 1940, puis par les troupes russes quatre ans plus tard en Allemagne, fait capital pour l’histoire de l’aéronautique militaire française pendant la Grande Guerre, dont les chercheurs subissent aujourd’hui chaque jour les conséquences. L’Histoire de l’aviation militaire en Touraine, c’est aussi cela…
288 pages, 21 x 29,7 cm, broché