« Une idée un peu folle… qu’il est donc raisonnable d’essayer ! » Voilà comment, au lendemain de la première guerre mondiale, un industriel monte une ligne de courrier aérien, en parallèle de celle de Latécoère. Une paire de Breguet XIV, une poignée de pilotes fraîchement libérés par l’armistice, quelques armes pour se protéger des nomades, voilà tout ce qu’il faut pour défricher le terrain entre le Maroc et le Sénégal.
À première vue, on peut penser à une histoire héroïque assez classique, avec ses caractères forts, son alibi féminin, ses secrets, ses dangers et ses rebondissements. Le dessin de Philippe Tarral et les couleurs de Véronique Gourdin vont d’ailleurs dans ce sens : le trait est propre, fluide, presque épuré hors de quelques hachures dans les ombres, et les teintes simples et homogènes conservent une sobriété de bon aloi. On est loin de la ligne claire de Jacobs, mais tout autant des graphismes complexes des Hugault et autres Koeniguer, et cet entre-deux semi-réaliste est finalement fort agréable.
Cependant, on ne saurait résumer le scénario de Pascal Davoz à un récit héroïque pour adolescents. S’il en reprend nombre de codes, il ajoute en effet une dose salutaire d’éléments plus mûrs : ses pilotes ont survécu à la Grande guerre, mais celle-ci a laissé des traces plus ou moins visibles — de la dépression alcoolique explicite d’un des héros aux discrètes pertes de caractère de l’autre. Une petite touche de politique s’y mêle, la chasse aux subventions étant un sport à part entière duquel revenir bredouille peut avoir des conséquences tragiques. Difficile de dire pour l’heure si le secret des personnages principaux, évoqué régulièrement sans être frontalement traité, sera une totale réussite lorsqu’il sera révélé, mais ce premier tome offre dans l’ensemble un scénario solidement charpenté, un peu chargé parfois mais assez subtil pour proposer plusieurs niveaux de lecture.
Dans l’ensemble, ce volume est donc agréable tant sur le plan graphique que scénaristique ; sans être un grand bouleversement, c’est un récit prometteur, prenant et bien mené, dont on attend le second volume avec impatience.
Franck Mée
48 pages, 23,5 x 31,5 cm, relié couverture cartonnée
– Les albums de la série Le courrier de Casablanca
Avec l’aimable autorisation des © Éditions Paquet
Avec l’aimable autorisation des © Éditions Paquet