Georges Madon, quatrième as français de la chasse durant la Grande Guerre, n’a certainement pas eu la renommée qu’il devait avoir. Le proverbe le dit bien, « rien ne pousse à l’ombre des grands arbres », et Madon, malgré ses 41 victoires, ses 20 citations, son année à la tête de la prestigieuse escadrille SPA 38, est demeuré dans l’ombre d’autres géants que furent Fonck, Guynemer et Nungesser.
Autant Fonck, pour les raisons qu’on connaît, victime d’un ostracisme qui perdure encore aujourd’hui, n’a-t-il que peu effacé Madon, autant la carrière météoritique et très médiatisée de Guynemer ainsi que le parcours d’aventurier plein de panache de Nungesser ont suffi à faire oublier ce quatrième as français, d’autant que d’autres figures telles Dorme ou Garros ont eu droit à davantage de publicité. Pourtant, l’armée de l’Air a tenté de réparer cet oubli : la promotion 1961 de l’École militaire de l’air l’a choisi comme parrain, et la Base aérienne 702 d’Avord porte son nom depuis 1982. Notons quand même que ces hommages furent bien tardifs, respectivement intervenus 37 et 58 ans après sa mort ! Il était donc temps qu’une biographie lui soit consacrée, et le centenaire de 14-18 en a été le cadre.
Daniel Marquis trace ainsi un parcours biographique chronologique classique, sans surprise, dont les références sont indéniablement sérieuses, après des heures de recherche au sein du Service Historique de la Défense, ce dont l’éditeur se flatte en quatrième de couverture, mais n’est-ce pas là le B-A-BA de toute biographie ? On pourra regretter un certain manque de souffle épique, propre à transcrire la carrière extraordinaire qui fut celle d’un tel aviateur. Drôle d’idée aussi, que celle d’indiquer systématiquement les date et lieu de naissance entre parenthèses de tous les aviateurs allemands auxquels Madon a eu affaire … Par ailleurs, le travail de l’auteur l’a conduit à une enquête généalogique finalement couronnée de succès, puisqu’il a pu prendre contact avec une petite-nièce de l’as, dépositaire de nombreux souvenirs. Enfin, cet ouvrage a été l’occasion d’extraire des collections iconographiques de Vincennes nombre de clichés concernant Madon, et pas moins de 58 images sont reproduites. On déplorera au passage la qualité inégale des illustrations, tant noir et blanc que couleur : la majorité sont correctement reproduites, mais certaines, dont les fanions de l’Escadrille 38 ou encore sa caricature par Billard, auraient dû être évitées. Les trois profils couleurs de David Méchin n’ont pas échappé à ce mauvais traitement, et c’est dommage quand on sait le soin que le dessinateur y a apporté. C’est d’ailleurs un défaut récurrent de ce genre d’édition : l’obligation d’illustrer à tout prix, au risque de ne pas attirer l’œil du futur lecteur, conduit à une certaine profusion d’images que la qualité du papier et de la reproduction ne servent pas. À 25 € l’ouvrage, tout de même, on pouvait espérer mieux. Mais ne boudons pas trop notre plaisir : on tient enfin là une biographie de Madon fouillée, documentée et complète ; les amateurs de portraits d’as et les historiens de la Première Guerre mondiale y trouveront leur compte, ainsi que le grand public qui ne sera pas rebuté par un langage trop militaire ou trop aéronautique.
Bernard Palmieri
320 pages, 16 x 24 cm, couverture souple
120 illustrations
0,650 kg