Le grand duc [1]

Décembre 1943. Sur le front de l’Est, la rudesse de l’hiver le dispute à la sauvagerie de la guerre. Au milieu des hommes dont les plus lucides savent déjà qu’ils sont perdus, l’Oberleutnant* Adolf Wulf semble l’un des rares à encore disposer d’une certaine humanité. Dans son secteur sévissent les fameuses « sorcières de la nuit », des aviatrices soviétiques qui, à bord de biplans Polikarpov Po-2, harcèlent de nuit les troupes allemandes. Parmi elles, une certaine Lilya Litvasky, du fameux 558e régiment de bombardement de nuit. Dans ce climat morbide où l’on peut reconnaître celui du Stalingrad de Vilsmaier*, les histoires de ces deux personnages hors du commun vont se dérouler parallèlement avec, entorses à la géométrie euclidienne, quelques rencontres (tout d’abord aériennes et distantes) dont on comprend qu’elles seront le nœud de cette série.

Le grand duc : les amateurs d’histoire de l’aviation reconnaîtront l’allusion au Heinkel He 219 Uhu* de la couverture. Ce n’est pas le seul avion qui soit remarquablement représenté dans cet album : apparaissent également Po-2, Fw 190, Bf 110, Do 217, Pe-2, La-5 FN, Il-2, Ju 52… Romain Hugault excelle dans la représentation d’appareils divers et ici, il s’en donne à cœur joie. Rares sont les pages sans avions, mais les intrigues croisées de Wulf et de Lilya Litvasky se déroulent également au sol, dans une ambiance proche de la réalité historique. Les menaces qui pèsent ne sont pas que guerrières : politiques ou amoureuses, elles étoffent le scénario de cet album qui ne se limite pas à des affrontements aériens.

Manifestement très bien documenté, à la fois en ce qui concerne le quotidien plus désabusé qu’angoissant, la situation politique et militaire ainsi que la représentation et l’usage des appareils étant bien représentés, ce premier volet accroche très vite le lecteur. On notera que Lilya Litvasky est un avatar de Lydia Litviak (dont on retrouve l’authentique ami Valentin), laquelle ne combattit néanmoins jamais dans les « sorcières de la nuit »… et n’était pas dotée d’une aussi opulente poitrine que son « clone ».

Scénario bien ficelé, découpage bien rythmé, dessin remarquable… une invite à lire la suite.

Philippe Ballarini

48 pages, 24 x 32 cm, relié couverture cartonnée

* Oberleutnant. Équivalence armée de l’Air : lieutenant.
** Stalingrad : un film remarquable de de Vilsmaier (1993). Très dur, et qu’apparemment Yann et Hugault on vu.
*** Uhu : en allemand, hibou grand-duc.

– Les albums de la série Le grand duc

Avec l’aimable autorisation de © Éditions Paquet

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