L’historique d’une unité navigante n’est jamais chose simple à rédiger tant il est nécessaire de vérifier, compléter, recouper et revérifier sans cesse de nombreuses informations sur les hommes, les faits, les lieux, etc. Maurice Rochaix, dont nous avions déjà commenté la première œuvre intitulée Pilote de Marauder – Maurice Rochaix, évadé de France 1943-1946, a relevé le défi avec le Groupe des Forces Aériennes Françaises Libres « Bretagne » En effet, après avoir rendu hommage à son père, qui combattit dans cette unité sur B-26 « Marauder », il lui tenait à cœur de « réparer une certaine forme d’injustice » en tentant de retracer plus complètement l’histoire de cette formation prestigieuse « qui n’a pourtant pas été Compagnon de la Libération » et alors que « aucun livre spécifique ne lui a été dédié ».
Notre connaissance de la bibliographie consacrée aux FAFL étant incomplète, d’autres passionnés émérites confirmeront sans doute cette absence d’ouvrage consacré au « Bretagne », auquel cas le présent ouvrage comblerait de facto une lacune, ce qui ne serait pas un moindre mérite. Toutefois, le format réduit du livre (plus approprié à un ouvrage biographique), le nombre de pages (171), le cahier central de photographies (assez mal représentées) ne laissent pas de surprendre pour un historique, certes limité à la seule Seconde Guerre mondiale. Maurice Rochaix indique que son travail reprend « le texte ronéotypé commenté par Marchais en 1945, poursuivi par Mahé et Kerraoual tel que l’indique Dussol dans sa note aux anciens du Bretagne en date du 27 septembre 1952 » mais aussi les carnets de vol de son père, des « informations du SHDD de Vincennes » (dont aucune cote n’est cependant précisée) et différentes sources bibliographiques. Aux temps heureux du Service Historique de l’Armée de l’Air, nous aurions pu vérifier si le texte ronéotypé cité – qui semble être la source principale – figure bien dans les cartons de l’histoire et si ce n’est le cas, le présent ouvrage présenterait l’intérêt majeur de ressortir de l’oubli un document inédit. Malgré tout, en parcourant ce livre, nous avons la nette impression, de fait, d’avoir affaire à un historique rédigé par des militaires et pour des militaires, comme nous les connaissons si bien ! L’intérêt de laisser un document original dans son « jus » se double hélas parfois d’une lecture peu digeste, même si le propos est passionnant. Autre écueil majeur, on ne sait à aucun moment où commence et finit exactement ledit manuscrit, si et où l’auteur a éventuellement procédé à des corrections, voire des enrichissements… ce qui est rédhibitoire d’un point de vue méthodologique. L’omission de prénoms là où cela aurait été possible pour les aviateurs les plus connus, quelques « coquilles » incidentes, l’absence de témoignages (qui rendraient le texte plus vivant) ou de notes de bas de page finissent de nous convaincre que nous avons essentiellement affaire à un historique « brut de fonderie ». Un exemple ? Là où l’on peut lire ceci (p.15) : « On voit ici le souci constant du commandement de former, chaque fois qu’il se pouvait, des unités entièrement nationales, au lieu de laisser disperser nos spécialistes dans les squadrons de la R.A.F. Comme le faisaient d’autres nations », le lecteur aurait peut-être apprécié d’apprendre que si les autres alliés de la Grande-Bretagne laissaient effectivement leurs ressortissants servir dans des unités britanniques, il existait parfois aussi plus d’unités étrangères (polonaises entre autres) servant sous commandement britannique (les aviateurs de la France Libre et les unités FAFL sous commandement britannique ne furent pas les plus nombreux en comparaison, ce qui n’enlève rien à leurs mérites personnels, bien au contraire). Ainsi, les documents d’archives sont irremplaçables mais l’expérience montre que, toute admiration portée aux combattants, on ne peut faire une confiance aveugle à leurs archives, d’où un long et minutieux travail pour aboutir à ce que les canons actuels considèrent comme un historique disons « abouti ». La présentation générale de l’ouvrage, basique, pourrait rebuter les néophytes, même si nous comprenons bien la difficulté qu’il y a de plus en plus à trouver un éditeur intéressé par ce genre de sujet.
Finalement, le travail de Maurice Rochaix, qui ne prétend pas être un historien et dont le but éminemment louable vise à rendre un hommage appuyé aux hommes du « Bretagne », n’est pas dénué d’intérêt si l’on se représente bien qu’il s’agit essentiellement d’un hommage historique succinct. Lequel mériterait d’être largement revisité, augmenté et illustré, pour donner à cette unité (qui existe toujours dans l’armée de l’Air grâce aux vaillants ravitailleurs en vol C-135FR du Groupe de Ravitaillement en Vol, GRV « Bretagne » à Istres) un historique à la hauteur de ceux dont bénéficient d’autres unités des FAFL.
Georges-Didier Rohrbacher
180 pages, 16 x 24 cm, couverture souple