Le piège de Sedan

Arnaud Gillet

L’épisode de Sedan en mai 1940 fut certes une séquence historique très courte, mais elle fut cruciale pour la France. Une étude vraiment approfondie du volet aérien était donc vraiment nécessaire, même si ce n’est pas la première fois que ce sujet est traité.

La réputation d’Arnaud Gillet n’est plus à faire. On peut décrier son travail, mais au moins ne copie-t-il ni ne s’inspire des écrits faits par d’autres : il reprend tout à partir de zéro. On retrouve ici cette fois encore cette « marque de fabrique ». Après avoir bien développé le contexte stratégique, Arnaud Gillet s’efforce de détailler, minute par minute, ce qui s’est passé au cours de ces quelques heures où les Alliés ont tenté de détruire les ponts de Sedan.

Depuis le 10 mai 1940, les Allemands sont passés à l’offensive en Belgique et aux Pays-Bas, obligeant les Alliés à remonter avec leurs meilleures troupes en Belgique, ce que les Alliés avaient anticipé. Or ce n’est qu’un leurre, les Allemands déployant leur effort principal dans le secteur de Sedan. Ce secteur avait été laissé à des unités de réserve, mal préparées, mais sans grand risque aux yeux des Français car l’état-major français avait jugé le massif des Ardennes infranchissable aux blindés. Or si les Allemands percent dans le secteur de Sedan c’est justement en vue de prendre au piège les troupes alliées en Belgique en fonçant vers la Manche, afin de les isoler et de les détruire avant de foncer vers le sud. Quand les Alliés se rendirent compte de cette manœuvre, il était presque trop tard, mais il restait un espoir si on ralentissait l’avancée des Allemands à Sedan… en détruisant les ponts autour de cette ville. Échec qui fera couler beaucoup d’encre et fera l’objet de nombreuses controverses.

Travail colossal de la part de l’auteur, très bien documenté, et riche en information en tout genre, assorti d’une recherche iconographique très pertinente, que ce soit du côté allié ou allemand. Tout y est passé en revue, sans concession, y compris en ce qui concerne cette méprise malheureuse de la chasse française qui a abattu pas moins de cinq Battle du 142 Squadron. Les Britanniques ne s’émeuvent pas de ce genre de méprise : c’est ce qu’ils appellent ‘Friendly Fire’ (« Tir ami »), car pour eux cela fait partie de la guerre. Ils n’ont jamais refusé cette réalité et de nombreux avions de la RAF ont été abattus par la suite par des appareils américains et les deux parties ont assumé cette infortune, de même que les excuses furent acceptées. Les Français ont plus de mal à assumer leurs erreurs ― la France ne reconnaît d’ailleurs aucune méprise au cours de ce bordel sans nom que furent les combats aériens de mai-juin 1940, cela évite de faire des excuses embarrassés, et aujourd’hui encore on accepte bien volontiers la version officielle, c’est à dire que les pilotes du GC III/7 auraient abattu des Hs 126. Rares sont ceux en France qui ont trouvé bizarre que des Hs 126 volent en formation d’attaque, alors que ce n’était pas la vocation de cet appareil (et encore moins en formation de type britannique), le Hs 126 étant un avion de reconnaissance tactique dont la mission était de voler en solitaire au profit de la Heer. De plus, la négation de ce « tir ami » est d’autant moins compréhensible que les pertes allemandes sont disponibles en détail depuis plusieurs décennies déjà. Deux Hs 126 revendiqués, cela peut s’admettre, mais six ! Cette fois, l’estimation des victoires n’est pas trop exagérée par rapport aux pertes réelles… Non, peu d’auteurs, sinon aucun, n’ont vraiment douté. D’autres méprises ont concerné des Blenheim et un LeO 45 au cours de ces heures fatidiques, là aussi victoires revendiquées comme des Hs 126, mais ces revendications sont isolées, donc compréhensibles, même si un bimoteur peut difficilement être confondu avec un monomoteur.

C’est un livre de référence qui ne doit pas s’appréhender comme un ouvrage que l’on lit avant de se coucher, car il très dense, parfois même un peu trop fouillé. Il recèle en tout cas une évidente approche de la vérité historique, et c’est un livre à conseiller fortement. Cela fait vraiment du bien de lire quelque chose de réellement nouveau, au lieu des soupes réchauffées que l’on peut voir ici et là… Ce livre peut néanmoins déranger ; il est donc à déconseiller à ceux qui sont atteints d’une fermeture d’esprit avancée.

Philippe Listemann


216 pages A4 dont 72 en couleur
42 cartes, 36 tableaux, 367 photos (dont 123 en couleur)


*Heer : armée de terre allemande

Le piège de Sedan
Le piège de Sedan

Avec l’aimable autorisation d’Arnaud Gillet

Le piège de Sedan
Le piège de Sedan

Avec l’aimable autorisation d’Arnaud Gillet

Le piège de Sedan
Le piège de Sedan

Avec l’aimable autorisation d’Arnaud Gillet

Le piège de Sedan
Le piège de Sedan

Avec l’aimable autorisation d’Arnaud Gillet

En bref

Arnaud Gillet autoéditeur

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