Coup de cœur 2006 |
Jour après jour, des chapelets d’êtres humains se pressent dans les aérogares du monde entier. Voler, le plus vieux rêve de l’humanité, est devenu un quotidien d’une affligeante banalité. «Imaginer, c’est hausser le réel d’un ton» écrivait Gaston Bachelard dont l’esprit semble planer au-dessus de cet ouvrage. Imaginaire, imagination ; que les hommes n’ont-il rêvé, imaginé, cru, avant que leurs yeux cessent de se tourner vers l’azur quand passe un avion ?
Nous sommes accoutumés à ce que les ouvrages d’histoire nous déroulent méthodiquement cette dernière comme un fil. Les machines volantes que nous connaissons aujourd’hui n’ont pourtant pas été “découvertes”, comme Christophe Colomb a “découvert” l’Amérique ; elles ne naquirent pas non plus spontanément d’une planche à dessin : toutes furent d’abord rêvées. Ainsi, ce qui est désormais du domaine des technologies les plus avancées puise sa source dans des songes plus ou moins éveillés.
Rêver le vol serait-il le propre de l’homme ? Depuis la nuit des temps, ce désir onirique de s’affranchir de la pesanteur hante les esprits : nulle mythologie, nulle religion, nulle civilisation qui n’y fasse peu ou prou allusion. Ainsi donc, rompant avec une histoire linéaire qui commencerait avec les frères Montgolfier et s’achèverait avec le dernier bijou des avionneurs, Bernard Marck a puisé au plus profond des mythes, légendes, contes, croyances, tentatives, visions d’artistes… Cette quête a un résultat inattendu autant que foisonnant, mais ce livre n’est pas pour autant un “précis de mythologie aérienne”, les tentatives bien réelles étant évoquées. Ces essais, à l’issue parfois funeste, qui nous paraissent aujourd’hui parfois farfelus voire cocasses, recélaient de puissants espoirs au regard des connaissances de l’époque (bien malin qui, il y a un siècle et demi, aurait su si l’aéroplane à naître aurait des ailes battantes, fixes, tournantes, rotatives…) Sont également présentes quelques “aventures fondatrices”, comme celles de l’Aéropostale et la conquête spatiale.
L’approche de l’auteur est inattendue mais néanmoins rigoureuse dans sa démarche historienne : nous ne sommes pas dans le registre de la divagation onirique, mais bien dans celui d’une étude de la manière dont les hommes ont, au fil des siècles, rêvé, abordé et élaboré l’art du vol humain, ce depuis les mythes les plus anciens jusqu’au vol spatial. Le rêve de vol pourrait n’être que passionnant ; il est de surcroît remarquablement illustré de documents souvent rares et inédits, provenant des quatre coins du monde.
D’une grande richesse, Le rêve de vol est le fruit d’une approche singulière et séduisante de l’histoire du vol humain, où l’éditeur a rejoint l’auteur dans son enthousiasme, mettant tout en œuvre pour que cet excellent ouvrage soit également un “beau livre” : la connaissance, la poésie et le plaisir peuvent donc faire bon ménage.
Philippe Ballarini
216 pages, 240 x 320 mm, relié + jaquette
Préface de Bertrand Piccard
– Coup de cœur de l’Aérobibliothèque 2006