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Le Rio-Paris ne répond plus

AF447 « le crash qui n’aurait pas dû arriver »
Gérard Arnoux

La publication de ce livre dix ans après la perte de l’Airbus A330 du vol Air France 447 Rio-Paris le 1er juin 2009 fait écho à la sortie du livre Angle d’Attaque, dont Gérard Arnoux était d’ailleurs l’un des traducteurs. Le livre américain est d’ailleurs l’un des deux seuls titres de la bibliographie papier, avec l’ouvrage de Pierre Sparacco sur Airbus. On ne s’étonnera donc pas d’y trouver des pages communes, ce que ne cache pas le pilote de ligne français. La production des éditions l’Harmattan est davantage centrée sur l’accident du vol AF447 que son homologue américain, mais aborde néanmoins des événements similaires, antérieurs ou postérieurs à la tragédie du Rio-Paris.

On ne peut nier l’effort de vulgarisation réalisé par l’auteur, mais ce n’est pas pour autant qu’il s’agisse d’un livre grand public. Les notions techniques sont nombreuses et complexes, jargon et surtout sigles parsèment le livre et il devient facile de perdre le fil ou le sens de la démonstration. On peut avoir un sentiment de répétition, selon que l’on est dans la partie reconstitution du vol AF447 (la première panne ne survient qu’à la page 77), ou dans la partie judiciaire.

Pour aller encore plus dans la pédagogie, il aurait fallu davantage d’images, d’illustrations, de croquis, de captures d’écran de ces fameux glass cockpit*. Cela aurait reposé l’œil du lecteur et apporté de la variété à un texte technique et pointu. Remercions ici au passage les notes de pages de page, peu nombreuses au demeurant, au lieu des si peu pratiques notes de fin d’ouvrage.

On peut regretter quelques coquilles (Coast Guards, le prénom de la présidente de l’association Entraide & Solidarité qui connaît trois orthographes différentes dans le livre, des sigles qui changent d’une page à l’autre, des espaces manquantes* entre des mots) mais cela ne nuit pas à la clarté générale du livre.

On sent Gérard Arnoux impliqué, et très bien informé. Il n’hésite pas à mettre le doigt sur les causes qui ont contribué à la chute de l’Airbus F-GZCP dans l’Océan Atlantique, que ce soit le constructeur, la compagnie aérienne, et les diverses autorités de tutelles (Agence Européenne de la Sécurité Aérienne, Direction Générale de l’Aviation Civile, Bureau d’Enquêtes et d’Analyses), ou à égratigner certains responsables ou experts devant les médias, dont les démonstrations étaient biaisées : un avion de voltige monomoteur ne décroche pas de jour à basse altitude comme un A330 de nuit à haute altitude, avec une instrumentation défaillante.

La justice n’a pas encore tranché au sujet de la perte du vol AF447, et Gérard Arnoux tente dans son livre de réhabiliter l’équipage, boucs émissaires selon les experts de la contre-expertise, à l’opposé de la première expertise judiciaire qui mettait en exergue les pannes techniques et les défauts de conception d’un système complexe qu’est devenu un avion de ligne du XXIe siècle.

Le sens général du livre reprend la même direction que celui de Angle d’Attaque, concernant le virage pris il y a quelques décennies vers l’automatisation du pilotage des avions de ligne. Citons la page 194 par exemple, simple extrait repris d’un long aphorisme de James Reason : la technophilie a ainsi créé ses dogmes, notamment celui de l’automatisme supérieur à l’homme en termes de fiabilité et de précision avec une confiance excessive dans la machine, ou plutôt une sous-confiance en l’homme. Les pilotes ont subi un désapprentissage en règle de leur métier et le pilotage manuel est devenu la victime de surautomatisation des avions. C’est une part importante du savoir-faire des pilotes qui s’est évaporée au fil des années.

Exactement comme pour son homologue américain, on repose le livre en étant mieux informé sur la perte du vol AF447, et avec des interrogations préoccupantes sur l’évolution du transport aérien, particulièrement la formation des personnels navigants techniques.

J. Leclercq


242 pages, 15,5 x 24 cm, couverture souple
470 g


Préface de Frédéric Fappani von Lothringen


* glass cockpit : poste de pilotage moderne où les instruments à aiguille (analogiques) ont été remplacés par des écrans
* espaces manquantes : en typographie, le terme « espace » est du genre féminin (ex.: une espace insécable)

En bref
Éditions L’Harmattan ISBN 978-2-343-18004-5 27,50 €