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Le vol MH370 n’a pas disparu

La plus grande énigme de l’histoire de l’aviation civile
Florence de Changy

Dans la nuit du 7 au 8 mars 2014, le Boeing 777 immatriculé 9M-MRO disparaît entre la Malaisie et le Vietnam. Par la suite, il est envisagé qu’il ait retraversé la péninsule thaïlandaise vers l’ouest, avant de continuer plein sud jusqu’à la panne sèche, quelque part dans l’océan Indien. Deux ans plus tard, seuls quelques débris ont été retrouvés, drossés sur les côtes des îles à l’est de l’Afrique, après avoir été portés des mois durant par les courants marins. De l’avion, de ses occupants, de leur destin, on ne sait finalement rien, et ce mystère a depuis fait couler beaucoup d’encre, tant chez les autorités qui ont multiplié les communications que chez les complotistes envisageant toutes les hypothèses.

De tout ce brouhaha, Florence de Changy tire une conviction : certains savent des choses qu’ils taisent. Comment, autrement, expliquer l’assourdissant silence de Boeing et des autorités américaines, alors même que des navires de l’US Navy faisaient des exercices dans la région ? Comment expliquer que les militaires malaisiens aient mis plusieurs jours à signaler qu’ils avaient vu l’avion repasser à leur portée ? Comment expliquer le peu d’informations disponibles sur la cargaison de l’appareil ? Comment expliquer que les données publiées, images radar ou données satellitaires notamment, soient aussi souvent tronquées ? Et quand des informations sont divulguées, les autorités aussi bien malaisiennes qu’australiennes changent de version, multiplient les déclarations erronées et se contredisent d’un jour à l’autre, ce qui ne peut venir que d’un niveau d’incompétence surhumain… ou d’une volonté délibérée d’embrouiller l’affaire.

Le vol MH370 n’a pas disparu est donc le résultat de près de deux ans d’enquêtes. Celle que Florence de Changy a menée aux Maldives, qui a établi avec certitude que le gros avion aperçu à basse altitude n’était pas celui-ci ; mais également celles des autres, officiels, journalistes ou simples « MHistes » », qui ont tenté de décortiquer l’affaire à la recherche de 9M-MRO et de ses occupants.

L’autrice est une journaliste expérimentée et cela se sent : le livre est plutôt bien écrit, d’une plume sobre et rythmée, les arguments s’enchaînent sans faillir et la construction est limpide. L’ouvrage se lit aisément et se comprend sans difficulté.

Elle n’est, en revanche, pas spécialiste des sujets aériens (voire des sujets techniques en général), et cela se sent tout autant. Le concept de « ping passif » (un ping est une émission radio, donc la définition même d’un signal actif) laisse dubitatif, de même que certaines erreurs grossières : on apprend ainsi que 7000 milles nautiques carrés font 13 000 kilomètres carrés et que 35 000 pieds équivalent à 10 700 kilomètres. Quand, en page 146, la journaliste se permet de critiquer une confusion entre millisecondes et microsecondes, qui va lui dire qu’elle ne fait à plusieurs reprises pas mieux ?

Ajoutons quelques termes impropres (« largeur » pour « envergure », « balise » pour « point de report », « rabat » pour « volet », et même « à la verticale » pour « au sud » !) et une erreur spectaculaire sur une simple question d’ordre alphabétique, et l’on comprendra que l’ouvrage n’est pas exempt de problèmes et aurait mérité une vraie relecture par quelqu’un de compétent.

On trouve également çà et là des faiblesses dans la démarche journalistique même. De Changy a tendance à accepter les éléments qui soutiennent son point de vue sans leur demander le même niveau probant qu’à ceux avancés par les autorités. L’exemple typique se trouve dans les cas où sont acceptées comme des vérités des propos rapportés, avec comme justification que « je n’ai pas de raison de douter de leur parole ». Pourtant, si, il existe bien une raison profonde et incontournable de douter : c’est le principe même de l’enquête journalistique.

L’ensemble de l’ouvrage laisse donc un goût partagé. Le récapitulatif des événements, des communications publiques, des enchaînements d’affirmations, de dénis, de révélations et d’erreurs pures et simples, tout cela est passionnant et met cruellement en lumière l’inconséquence dont ont fait preuve les autorités. Il est extrêmement clair que certains pans de l’histoire sont louches et l’idée maîtresse du livre, qu’on pourrait résumer par « on ne nous a pas tout dit », paraît évidente.

Mais il souffre d’approximations techniques d’autant plus regrettables qu’elles entachent la crédibilité de l’ouvrage lui-même : comment faire confiance à quelqu’un qui critique les analyses mathématiques d’Inmarsat* lorsqu’elle se trompe régulièrement dans de simples conversions d’unités ? Et comment croire sans réserve un ouvrage qui dénonce les mensonges parfois avérés des autorités, lorsqu’il est évident qu’il privilégie occasionnellement des éléments pas plus étayés que d’autres ?

C’est dommage, parce que le fond de l’ouvrage est composé de bonnes questions et qu’il présente des raisonnements valides et des hypothèses intéressantes. Mais si nous étions complotistes, nous nous demanderions presque si l’autrice n’aurait pas ajouté délibérément juste assez d’erreurs pour décrédibiliser les « MHistes » alternatifs et aider la « version officielle » à s’imposer…

Franck Mée


272 pages, 14,5 x 22 cm, couverture souple
0,315 kg


*Inmarsat : L’International maritime satellite organization est une société de téléphonie par satellite.

Une interview de l’auteur sur RFI (54min 04s)

En bref

Les arènes

ISBN 978-2-35204-505-2

20 €