Bel ouvrage ! Sujet qui mérite une publication plus moderne que l’incontournable mais âgé Docavia. Jean-Michel Meunier s’est attaqué seul à ce travail de renouvellement, disposant de nombreux documents dont Cuny et Danel ne disposaient pas à l’époque. Il était temps de proposer une bonne synthèse, plus approfondie que les quelques fascicules publiés ces dernières années. Mais le sujet est tellement vaste qu’il ne faut pas moins de deux volumes pour le couvrir à peu près convenablement. Artipresse n’a pas hésité à se lancer dans cette aventure, offrant au passage un complément d’illustration significatif en provenance des archives personnelles de José Fernandez. On ne peut que s’en féliciter.
D’un format un peu plus grand que le classique A4, le papier de bonne qualité permet de mettre en valeur les nombreuses excellentes illustrations qui jalonnent ce livre. La magnifique couverture donne le ton, l’illustrateur n’ayant pas choisi la facilité avec cette peinture éraillée typique des LeO 451. Les photos sont très bien imprimées et de nombreux dessins et extraits de notices techniques sont reproduits tels qu’ils se présentent à l’origine, ce qui enrichit la valeur iconographique. Certaines illustrations sont toutefois redessinés par l’auteur, à commencer par celle de la page 13. Dommage, mais peut-être que les dessins originaux grands formats ne sont pas proprement reproductibles à petite échelle. L’ensemble est imprimé en noir et blanc, avec un cahier couleur à la fin, lequel présente de nombreux profils et des quatre-vues signés Teodor Liviu Morosanu, pour terminer avec quatre photos couleur d’épaves allemandes (dont une qui est déjà présente quelques pages avant en noir et blanc). On peut relever l’erreur classique des profils présentant les tubes de Pitot aux deux positions, sous le nez et en bout d’aile. Par ailleurs, les maquettistes apprécieront les plans très soignés de Robanescu (au 1/90) et les nombreux dessins extraits de notices techniques, y compris des schémas de camouflage originaux, voire expérimentaux.
Si, de prime abord, cette publication est une excellente nouvelle, on ne peut hélas pas occulter certains défauts. Les plus visibles concernent la mise en page, Les textes imprimés en gros caractères avec d’importants interlignes sont bien aérés, mais la mise en forme des tableaux est assez déroutante. D’autre part, si la lecture met en lumière l’excellence de la documentation utilisée, on ne peut que regretter de nombreuses erreurs de transcription dans les noms propres. L’identification des photos est souvent vague avec de nombreux « LeO anonyme », pourtant identifiables, voire des identifications erronées. Cela laisse une impression un peu mitigée quant à la fiabilité des informations et, si l’auteur a bien tenté de rectifier certaines erreurs du Docavia, ce dernier demeure une source incontournable pour les indispensables recoupements d’informations.
Plusieurs témoignages viennent compléter cet ouvrage. La plupart d’entre eux sont connus sur Internet, mais celui des pages 140-141 vaut particulièrement le détour. S’ils illustrent bien la partie opérationnelle, il manque néanmoins le recul historique qui aurait pu aider le lecteur à mieux situer les choses dans leur contexte, en expliquant le « pourquoi » au lieu de se contenter d’une description linéaire des évènements. Autre défaut, le déséquilibre de traitement de la partie industrielle. L’histoire de l’usine d’Ambérieu y est traitée en détail, avec sa construction, ses modifications et de très nombreuses photos, alors que l’essentiel de la production a été assemblé à Villacoublay et à Bouguenais. Or ces deux sites ne bénéficient pas du même traitement, malgré leur importance. Quant à Marignane, il en est surtout question pour son bombardement en 1944. On peut aussi regretter le traitement plutôt léger de la campagne de Syrie. Globalement, ce travail difficile a été mené par un auteur unique, mais aurait certainement gagné à être traité de manière plus collective pour assurer un meilleur équilibre et un traitement plus complet des divers sujets.
En éternel insatisfait, j’en voudrais toujours plus… Mais soyons réaliste, ce livre vaut l’investissement sans hésiter. La somme de documents inédits, de renseignements « modernes » et d’illustrations de grande qualité renouvellent avantageusement le vieux et inaccessible Docavia, sur un sujet qui mérite un ouvrage de qualité. Vivement le tome 2 qui promet d’aborder l’après-guerre et les versions dérivées (LeO 453 et 455 notamment), les versions expérimentales, le SAR, l’IGN… Nous l’attendons avec impatience, tout en profitant de ce premier volume à ne surtout pas manquer.
Philippe Ricco
312 pages, 24 x 31 cm, relié
1,900 kg
en français
– Profils couleur de Teodor Liviu Morosanu
NDLA : Quelques compléments d’identification de certaines photos du livre :
– page 114, il s’agit du n°210 à Courson-les-Carrières ;
– page 117, c’est le n°1 (tête de série) et non pas le 01 (prototype) ;
– page 150, c’est le n°304 à Istres ;
– page 153, c’est le n°174 à Étampes ;
– page 155, c’est le n°233 à Til-Châtel ;
– page 156, la photo du haut montre le n°6 en flammes, l’une des épaves les plus photographiées car elle est la première à être tombée en territoire allemand
– page 160, c’est le n°275 ;
– page 163, il s’agit du n° 206 près de Gournay-en-Bray ;
– page 169, les deux photos montrent la même épave, celle du n°46 en Belgique ;
– page 170, ces deux avions sont photographiés à Villacoublay, celui au premier plan est le n°63 codé 26, qui apparaît également page 179
– page 239, la photo du bas montre le n°289 à Istres ;
– page 243, cet avion est le n°286 et non pas le n°522
– page 246, c’est le n°53 qui est transporté.
– LeO 45 Tome 1
– LeO 45 Tome 2
Avec l’aimable autorisation de © Artipresse