L’épopée des dirigeables en Lorraine

1900-1918
Sylvain Chimello

Ouvrage épuisé

La Lorraine était au début du XXe siècle l’objet des principales attentions militaires franco-allemandes. La sanglante guerre de 1870 et la défaite française avait en effet permis au Reich du chancelier Bismarck d’annexer l’Alsace et la Moselle : dès lors, de part et d’autre cette nouvelle frontière qui coupait la Lorraine, les belligérants se toisèrent de nouveau et procédèrent logiquement, depuis leurs bastions avancés, à différentes démonstrations de force, de maîtrise des nouvelles et prometteuses technologies. Parmi celles-ci, la navigation aérienne à l’aide des ballons dirigeables.

La première partie de l’ouvrage de Sylvain Chimello est consacrée aux précurseurs : rappel sur les pionniers des ballons (dont le premier aéronaute de l’histoire, le messin Pilâtre de Rozier), l’évolution de la montgolfière vers le dirigeable avec l’ajout d’hélices et les progrès des moteurs à essence (poids, puissance). Nul n’étant prophète en son pays, l’auteur nous apprend notamment que c’est le français Joseph Spiess qui déposa en 1873 un brevet pour un dirigeable à armature rigide, mais que ce furent les Allemands qui retinrent l’idée pour construire plus tard leurs célèbres Zeppelin. De même, c’est le vosgien et organisateur de l’aérostation militaire Charles Renard qui réalisa le premier circuit fermé de l’histoire de l’aéronautique sur son ballon équipé d’une hélice, le 9 août 1884, avant de construire le premier dirigeable, la France. Habitués que nous sommes parfois à ne nous souvenir que du comte Ferdinand von Zeppelin, dès lors qu’il s’agit de dirigeables, on réalise au fil de cette lecture que véritablement, les pionniers puis les industriels français n’eurent absolument rien à envier à leurs homologues d’outre-Rhin.

La deuxième partie, cœur du livre, reprend place forte après place forte (Toul, Verdun, Épinal et Lunéville pour les français, Metz et Thionville pour les Allemands), l’aventure des différents dirigeables qui y ont stationné : le Lebaudy, l’Adjudant Vincenot, le Patrie, le Ville de Paris, le Ville de Nancy, le Lorrain, face aux Gross, Parseval, Gross-Basenach et Zeppelin. Les récits des expérimentations et différents vols effectués, les détails techniques foisonnent mais aussi de nombreuses anecdotes, qui constituaient alors autant d’événements abondamment commentés – voire caricaturés – par les autorités et la presse de l’époque : le vol mouvementé de Georges Clémenceau à bord du Patrie (qui s’envola plus tard sans son équipage, par grand vent, mais qui prit la direction de la mer plutôt que celle du Rhin, au grand soulagement des militaires français), l’arrivée retentissante à Metz, en 1909, du premier Zeppelin, le rendez-vous à la frontière annulé entre ce dernier et le Ville de Paris (leurs équipages rappelés à l’ordre pour ce que l’opinion publique prenait pour une sorte de trahison antipatriotique et non pas un premier vol sportif franco-allemand), l’atterrissage du Zeppelin Z 4 en catastrophe à Lunéville en 1913…

Enfin, une troisième partie aborde la stratégie des belligérants durant la Première Guerre mondiale, les missions de reconnaissance nocturne et de bombardement méconnues des dirigeables français (l’Adjudant Vincenot, le Fleurus, le Montgolfier, le Conté, le Dupuy de Losme, le Pilâtre de Rozier, le D’Arlandes, le Champagne). 1916 sonna le glas des dirigeables français, qui connurent nombre de difficultés de mise en œuvre, mais l’importante flotte allemande de Zeppelin souffrit également d’accidents et de pertes au combat croissantes : trop vulnérables, trop onéreux, les géants des airs cédèrent la place aux rapides et agiles aéroplanes.

Le livre de Sylvain Chimello (conservateur en chef du patrimoine à Thionville), publié en 2005 par les Éditions Serpenoise (l’éditeur régionaliste majeur en Lorraine, mais dont les publications ne font pas nécessairement l’objet de commentaires au-delà de ma région natale) avait échappé à la vigilance des aérobibliothécaires. Il s’agit pourtant d’un remarquable ouvrage très documenté, où une narration fluide et vivante (notamment grâce à de nombreuses relations de presse de l’époque) est appuyée par une riche iconographie et une très belle mise en page. Au-delà des considérations d’histoire régionale, c’est aussi tout simplement l’histoire parallèle des dirigeables français et allemands que nous invite à découvrir Sylvain Chimello, « à une époque où le progrès scientifique était étroitement lié à l’esprit d’aventure et au courage ».

Georges-Didier Rohrbacher


208 pages, 24 x 34 cm, relié couverture cartonnée

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Éditions Serpenoise

ISBN 2-87692-683-0

épuisé
38 €