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Les ailes de la liberté

Alain Lozac’h

Avec un programme scolaire moderne déjà surchargé par des matières « stratégiques », il est sans doute difficile en matière d’histoire des conflits d’amener les élèves à toucher du doigt l’essentiel, au-delà d’un condensé de dates, de faits et de photos. Les Ailes de la liberté de Alain Lozac’h est sans conteste un récit moderne qui devrait captiver les jeunes générations, mais aussi les amener à compléter leur réflexion en se posant un certain nombre de questions sur la Seconde Guerre mondiale en particulier, et sur les guerres en général.

Dans ce roman de la collection Oskar jeunesse, il y a bien sûr un « héros », Mathieu du Fresnay. En 27 petits chapitres, le vent de jeunesse aventureuse et audacieuse qui souffle suffit déjà à captiver le lecteur, ancien ou moderne : démobilisé après l’armistice de juin 1940 sans avoir pu se battre contre l’envahisseur, Mathieu n’a de cesse de rejoindre l’Angleterre pour prendre sa part de cette guerre qui devient mondiale. Il réussit à s’évader de France occupée en décollant depuis le parc du château familial à bord de son Zlin XII. Arrivé en Angleterre, il est fêté par les Forces Aériennes Françaises Libres (FAFL) dans lesquelles il s’engage, décoré par le général de Gaulle en personne. Il subit le strict et inévitable interrogatoire de la Patriotic School (un des meilleurs moments de l’ouvrage !), puis l’entraînement des pilotes britanniques, avant d’effectuer de nombreuses missions dans les Squadron de la Royal Air Force. Mathieu disparaît corps et âme en mission de guerre le 19 août 1942, alors qu’il protège le désastreux raid des troupes canadiennes sur Dieppe. Il a alors… 22 ans.

« Cela me rappelle quelqu’un », pensez-vous ? Et vous avez raison, car même si vous n’avez pas lu la dédicace de l’auteur, celui- ci a en fait de roman (je cite) « emprunté quelques moments de la courte vie » du Compagnon de la Libération Maurice Halna du Fretay. La plume est sobre et concise, bien documentée (notamment grâce à l’excellent Bonsoir Nadette de Philippe Chéron, ou encore Les aviateurs de la Liberté » de Henry Lafont). Les faits se suffisent à eux-mêmes (nul édulcorant emphatique ou dramatique), Mathieu est une personnalité jeune, volontaire, sincère et attachante, mais il a également des camarades et une petite amie anglaise qui jouent un rôle important jusque après sa disparition tragique : le tout participe forcément de cette « charge affective » qui a pu être évoquée dans d’autres recensions de livres, et qui nous ramène à la simple humanité des chevaliers de l’air encensés par les communiqués. Car « Nul homme ne peut préférer la guerre à la paix puisque, à la guerre, ce sont les pères qui enterrent leurs fils alors que, en temps de paix, ce sont les fils qui enterrent leurs pères. » (Hérodote)

Avec cet ouvrage, l’auteur n’a qu’une seule ambition : « rendre hommage à ces patriotes, à ces aventuriers dont la plupart devaient disparaître, certains à l’entraînement d’autres au combat, aux commandes de Spitfire, de Hurricane, pour libérer notre pays du nazisme ». Les passionnés de FAFL qui essaient — à leur modeste mesure — d’aider à ce qu’ils ne tombent pas dans l’oubli, et qui ont la chance de côtoyer certains survivants, répondront certainement « Mission réussie Monsieur Lozac’h ». À la fin du livre, un dossier (très succinct) de 14 pages présente une « chronologie de la Seconde Guerre mondiale », « les bombardements » (il est toutefois étonnant, pédagogiquement parlant, de trouver encore cette explication au terrible bombardement de Dresde [février 1945] : il aurait fait « avancer de quelques mois la fin de la guerre ». Difficile après cela au XXIe Siècle de se défendre de la sauvagerie ou de la loi du Talion) et « La Résistance ». Quelques erreurs dans les légendes des (trop petites) photographies, certes, mais souvenons-nous : l’essentiel n’est pas là, mais « le diable dans les détails », oui certainement…

Il appartient donc aux parents et aux enseignants d’utiliser ce livre pour provoquer la curiosité parmi les jeunes générations. Le fameux « devoir de mémoire » — à force de commémorations bruyantes qui font fuir les plus discrets mais sincères acteurs — ne suffit pas à éloigner définitivement la barbarie de plus de quelques heures de vol, en témoigne la guerre survenue en ex-Yougoslavie à la fin du siècle dernier, où l’on a revu des scènes que l’on espérait définitivement révolues depuis la Seconde Guerre mondiale. C’est un travail personnel et permanent : manifester de la reconnaissance à ceux qui se sont battus pour notre liberté, c’est essentiel, mais exercer une véritable et continuelle vigilance pour nous et nos enfants — ce qui signifie aussi se demander « comment en sommes-nous arrivés là ? » — c’est proprement vital pour notre monde. Cela est supposé s ‘appeler « tirer les leçons de l’histoire », mais… ceci est une autre histoire. En attendant, je garde précieusement ce livre pour le jour où mon enfant sera en âge de le lire et d’entendre mes explications…

Georges-Didier Rohrbacher


176 pages, 14,5 x 19 cm, broché dos carré

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Oskar Jeunesse

ISBN 978-2-3500-0435-8

9,95 €