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Les ailes du silence

Didier Givois

Il est paraît-il des silences qui en disent long. Il en est d’autres qui exaltent la beauté. Le silence auquel nous allons nous intéresser ici, c’est celui des disciplines aériennes sportives non motorisées (ou si peu…). Dans ce remarquable ouvrage Les ailes du silence, Didier Givois nous présente une palette de ces pratiques avec quelques apports techniques et historiques, mais surtout vu sous l’angle de la passion par le biais de superbes récits de vols.

Une fois n’étant pas coutume, commençons par l’iconographie, car c’est à l’évidence ce qui saute aux yeux en ouvrant ce livre. Les photos, pour la plupart prises par l’auteur ou issues de sa collection, sont d’excellente qualité. On sent le professionnalisme du photographe, ce qui est bien le cas puisque Didier Givois combine ce métier avec celui de guide de haute montagne. Ceux qui ont déjà léché les vitrines des échoppes de la station de ski de La Plagne ne seront pas surpris, pour avoir remarqué sa signature sur une grande partie des cartes postales qui s’y vendent.

Séduits par les photos, penchons-nous sur le texte. Mais pas trop, nous sommes souvent en univers de haute montagne, et le vertige guette… Disons, au risque de nous fâcher avec l’arithmétique, que l’auteur est à moitié guide, à moitié photographe… et à moitié rédacteur de vols d’essais pour des revues aéronautiques. Son aisance du maniement de la plume, souvent poétique, parfois aux limites d’un lyrisme un peu excessif, nous sera aujourd’hui bien agréable. Nous parsèmerons cette recension de quelques phrases tirées du texte, pour vous en donner un aperçu.

L’ouvrage est articulé autour de dix chapitres, plus quelques annexes. Il n’y a pas d’ordre particulier dans l’enchaînement de ces chapitres, sinon celui de la passion.

Cela commence par une petite histoire de l’aviation présentée sous forme de résumé, ou plutôt une préhistoire puisque nous amenant aux confins du XXe siècle. La suite nous sera contée plus tard, en introduction des chapitres concernant chacune des disciplines. Il est à noter que cette présentation de l’histoire n’est pas partisane, très respectueuse des courants ayant existé dans différents pays, ce qui est agréable.

Changeons de chapitre. Nous sont alors exposés les principes du vol « Un vol merveilleusement inutile, mais passionnant ». C’est plutôt bien expliqué dans l’ensemble, mais signalons toutefois au passage une des rares erreurs dont peut souffrir le livre, avec en page 23 un schéma des forces s’exerçant sur un deltaplane, erroné puisque nous présentant une force de traction absente par principe des appareils non motorisés.

Nous repartons ensuite pour un chapitre sur l’histoire plus spécifique du vol libre. C’est une bonne synthèse de la genèse de cette pratique telle que nous la connaissons aujourd’hui, où nous voyons apparaître les ailes delta et les parapentes. « Les premiers utilisateurs de ces engins très incertains se prennent volontiers pour d’audacieux héros qui se jouent des lois de la pesanteur ».

Le chapitre suivant concerne les deltas. « À partir de ce vol, je n’ai plus jamais rêvé de voler. Par contre je n’ai plus jamais cessé de voler ». L’auteur décrit à merveille les sentiments générés par la glisse avec des appareils. Ce chapitre se termine sur le récit de son accident en 1976 dans les Pyrénées, et c’est avec plaisir que j’ai retrouvé cette histoire. « Plaisir » non pas par sadisme puisqu’il s’en est heureusement sorti sain et sauf, mais pour revivre de la main de l’acteur principal cet épisode déjà lu il y a plusieurs années dans un livre signé Saint-Loup : Le ciel n’a pas voulu. Avec les détails gardés en tête par le héros involontaire de l’accident, et sans qu’il se départisse d’une grande modestie, c’est encore plus savoureux.

Le parapente, objet d’un autre chapitre, continue sur le schéma habituel, historique complété de la discipline, vulgarisation technique et expérience personnelle de l’auteur. C’est l’occasion de vivre sous sa plume de fabuleux vols au départ du Grand Combin et du Mont Blanc.

Nous enchaînons ensuite cette œuvre œcuménique avec le vol à voile. Les explications sont globalement correctes, à la seule exception d’une justification technique de la nécessité de soutenir l’assiette en virage un peu tirée par les cheveux. Mais quand on a affaire à un tel professeur de jolis vols, professeur de technique de prises de vues et professeur de la kinésie des sensations du vol, on lui pardonnera volontiers quelques à-peu-près de mécanique du vol. Ce chapitre nous présente là encore un très beau vol vers la Furka et les sources du Rhône.

Puis vient le parachutisme, avec un très plaisant récit de son initiation et de sa formation. « Mes mains ont agrippé l’air, mes doigts ont griffé le ciel, mes jambes ont battu l’écume des nuages ».

On saute alors, c’est le cas de le dire, au base-jump, cette fois vu aux côtés ou par les yeux de Pierre Legat, grand spécialiste de cette pratique.

Enfin nous est contée une expédition au Mont Thor, sur la Cordillère arctique, combinant des sauts en base-jump et des vols en parapente.

Le livre se termine sur un chapitre groupant les aérostats et les ULM vélivoles, pour leur utilisation également dans le monde du silence, et les impressions ressenties.

En conclusion, c’est vraiment un livre très agréable à lire comme à regarder. Presque à écouter : les zèles du silence sont magnifiques…

Jean-Noël Violette


144 pages, 30 x 24 cm, couverture cartonnée avec jaquette

Coup de cœur 2009 des aérobibliothécaires

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