Après Les As de la chasse de jour allemande, le spécialiste de la Luftwaffe qu’est Jean-Louis Roba nous revient avec un livre sur le célèbre Junkers Ju 87 Stuka et ses pilotes les plus connus.
« Que de calembredaines n’a-t-on répandu sur le Junkers Ju 87 ? » (sic). D’emblée, le ton est donné. Jean-Louis Roba aborde son livre en voulant manifestement gommer la noirceur de la « légende du Stuka », puis en expliquant pourquoi les pilotes de Ju 87 furent moins nombreux que les chasseurs à avoir reçu la Ritterkreuz*. L’auteur a placé en début d’ouvrage un glossaire d’une soixantaine de termes militaires allemands. Bonne idée de l’avoir insérée là, car ces mots germaniques seront très largement utilisés plus loin dans leur langue d’origine.
À la lecture du titre, on aurait pu s’attendre à une sorte de répertoire dédié aux principaux pilotes de Ju 87 ; ce livre est tout, sauf cela. Sa structure, bien ordonnée, s’avère plus subtile. En effet, plusieurs grands axes se dégagent de l’ouvrage : considérations historiques et techniques de l’appareil, chroniques de campagnes militaires à laquelle participèrent des Stuka, rappels des contextes stratégiques des différents théâtres d’opérations, et bien entendu évocations des « As » sur Ju 87 auquels l’auteur cède bien volontiers la parole pour d’intéressants témoignages. Le texte étant fluide, cela se lit aisément ; le livre, organisé de manière chronologique, est structuré autour de cinq chapitres. Le premier rappelle brièvement la genèse de l’appareil et sa présence pendant la guerre d’Espagne (où, rappelons-le, le Ju 87 ne fut pas le seul Stuka**), tandis que les suivants sont consacrés successivement aux combats à l’ouest en 1940 contre la France et le Royaume-Uni, avant de se tourner vers les Balkans (Marita), l’URSS (Barbarossa) et l’Afrique du Nord ; les chapitres suivants, intitulés respectivement « Le vent tourne » et « Vers la fin amère », évoquent les difficultés grandissantes de la Luftwaffe, en particulier sur le front de l’Est, avant l’effondrement et la capitulation. Certaines campagnes sont évoquées sous la forme d’un journal, et elles sont souvent assorties de conclusions de J.-L. Roba.
Tout cela est copieusement illustré de photos provenant essentiellement de la collection de l’auteur, qui se partagent le livre sensiblement pour moitié avec le texte. Les annexes sont bien présentes, avec la liste chronologique des récipiendaires de la Croix de Chevalier, quelques pages d’insignes d’unités, une liste onomastique de personnages ayant un lien avec l’arme « Stuka » (dont on regrettera qu’on n’en ait pas fait un index des noms cités), et bien entendu la nécessaire bibliographie. Papier d’excellente qualité, impression et reliure irréprochables, mise en page des plus classiques. Jusque là, tout va bien.
Venons-en aux choses qui fâchent. Dans son précédent ouvrage chez ETAI, Jean-Louis Roba citait David Irving*** et le mentionnait dans sa bibliographie, ce qui n’est pas tout à fait anodin. Ce volume-ci se distingue par des sous-entendus répétitifs dont on pourrait naïvement se demander quelle est la fonction. Pour un peu, on en viendrait à plaindre ce pauvre IIIe Reich « contraint » d’attaquer la Pologne en raison du « diktat » de Versailles (sans guillemets chez l’auteur). À propos de guillemets, on en trouve dans des expressions telles que la France (la « Grande Nation » !), de même que le livre est émaillé d’allusions pour le moins désobligeantes en ce qui concerne les ennemis de l’Allemagne. Munich n’est pas présenté comme une duperie d’Hitler, mais comme « un choc entre deux propagandes ». L’invasion du Danemark et de la Norvège est une mesure d’anticipation de « l’invasion franco-britannique », de même que le Reich a été « contraint d’envahir la Yougoslavie ». Plus loin, c’est le gouvernement de Jozef Tiso, dictateur pro-nazi à la botte d’Hitler, que l’on nous qualifie d’ »indépendant » (on se demande de qui). On apprend que « les attaques des colonnes de civils relèvent de la propagande noire des Alliés après 1945 », et ainsi de suite.
L’intérêt porté à la Luftwaffe du IIIe Reich n’est en rien critiquable. Encore ne faut-il pas s’en servir comme support d’une idéologie douteuse, de même qu’il convient de se souvenir que ces grands gaillards « solides mentalement et férus de sport », semaient la mort dans le cadre d’une guerre d’agression, au service d’un régime véhiculant une doctrine nauséabonde.
Philippe Ballarini
192 pages, 24 x 31,6 cm, relié + jaquette
* Croix de chevalier de la Croix de fer
** Stuka : Sturzkampfflugzeug, « avion de combat en piqué ». En Espagne, la Luftwaffe utilisa le Hs 123.
*** David Irving est un auteur négationniste proche des milieux néo-nazis.
Avec l’aimable autorisation de
© ETAI
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