Mauboussin est une griffe de renom dans le monde de la joaillerie. Pour les aérophiles, ce fut aussi une autre signature, celle d’une famille d’appareils allant d’avions de tourisme remarquables jusqu’au si célèbre Fouga Magister. Pour l’aéronautique du XXIe siècle, ce pourrait être à nouveau un nom qui compte.
Presque cent ans après les premières esquisses d’avions faites par Pierre Mauboussin, un ouvrage vient nous conter cette double, voire triple, aventure, écrite à plusieurs mains par une équipe d’universitaires et de journalistes, Alexandre Léoty, Louis Devoyon et Clair Juilliet, ainsi que Jean-Marc Olivier, professeur d’histoire à Toulouse, qui a assuré la direction de l’ensemble. Si le livre compte neuf chapitres, il peut se décomposer schématiquement en cinq blocs :
* une introduction qui nous rappelle l’histoire de la marque joaillière, jusqu’à l’enfance de Pierre Mauboussin ;
* les conceptions aéronautiques Mauboussin, jusqu’à la Libération, leur succès d’estime et leurs résultats sportifs ;
* l’aventure Fouga Magister;
* la décadence et l’arrêt de la production aéronautique, avec un chassé-croisé de reprises industrielles allant de mal en pis ;
* les nouveaux « Avions Mauboussin » lancés par David Gallezot à partir des années 2010.
L’introduction permet de comprendre l’arrivée sur la place joaillière de Paris de la famille Noury-Mauboussin et l’établissement de son succès. Elle surprend un peu dans sa forme avec, cité in-extenso dans le texte, l’acte de naissance du père de Pierre, Georges Mauboussin, en 1862, ou encore une étude de l’évolution démographique de la commune de Luceau. Ces éléments auraient avantageusement pu être reportés en annexe, en fin d’ouvrage, afin que les pages 15 à 18 donnent moins une impression de remplissage. On trouve d’autres éléments paraissant parfois hors-sujet (1), voire quelques erreurs (2) mais, en gardant le fil conducteur, on apprécie globalement cette lecture assez originale. Le texte est bien écrit. Tout au plus peut-on regretter l’utilisation à plusieurs reprises de l’anglicisme « crash » qui aurait pu être évité.
Le livre fait 174 pages, mais se lit rapidement : la police de caractère est grande, et les interlignes généreux. Le papier choisi par les éditions Glénat est assez bouffant, mais cela n’altère pas la qualité des photos car elles sont regroupées en un cahier central de 24 pages de papier glacé.
Comme un travail universitaire, le texte est étayé par 196 notes de bas de page, ce qui reste la formule la plus agréable pour ne pas couper le récit.
C’est notamment le cas pour la partie concernant le CM170 Magister, que cela rend… magistrale.
La fin de l’aventure Potez/Air Fouga est bien décrite, bien que le décès de Pierre Mauboussin passe presque inaperçu, ne faisant l’objet que d’une phrase page 121.
Le livre se termine sur une ouverture vers le XXIe siècle, avec la relance des Avions Mauboussin par l’ingénieur David Gallezot, sur fond d’impacts environnementaux, d’aviation décarbonée et d’avions innovants. Cette quasi-conclusion a des allures de plaquette publicitaire, mais cela a l’avantage de nous présenter les deux fers de lance de cette évolution, deux avions qui fonctionneront à l’hydrogène, le biplace léger M1h Alérion et le petit appareil de transport régional pour un pilote et cinq passager, M3C Alcyon. Cela est néanmoins suivi d’un dernier chapitre plus général, presque une annexe, sur les enjeux environnementaux liés à l’aviation.
Il ne faut bien sûr pas s’arrêter aux petits défauts de cet ouvrage que nous avons pu relever. Il faut l‘apprécier dans son ensemble, comme un trop rare travail de recherche sur l’histoire aéronautique d’un nom d’exception. Et s’il n’y a plus de liens commerciaux entre les joyaux et les avions Mauboussin, souhaitons que ces derniers, dans le domaine de l’aviation décarbonée qu’ils ont choisi, voient à leur tour leur nom briller et leur énergie… renouvelée !
Jean-Noël Violette
Notes :
1) Petits apartés hors-sujet qui parasitent un peu la lecture :
* popularisation de l’aviation par Santos-Dumont avec sa Demoiselle ;
* date de création des revues « Harper’Bazaar », « Vogue » et « Officiel de la couture et de la mode de Paris » ;
* installation de Breguet à Paris en 1762…
2) Erreurs :
* Le département de la Sarthe n’est pas tout à fait « au centre de la France » (p15) ;
* Hélène Boucher, en 1930, n’est pas « la quatrième pilote française », p41. Elle est réputée être la quatrième pilote professionnelle de transport public française, ce qui est différent ;
* La base aéro-navale d’Hyères n’est pas dans les Bouches-du-Rhône, mais dans le Var, p101.
174 pages + 24 pages de cahier photo
broché, couverture souple, 15×22 cm