Autant le signaler immédiatement afin d’éviter tout malentendu : le titre principal ne doit tromper aucun aérophile, il ne s’agit pas d’une histoire des Groupes lourds de la RAF. Les titres secondaires auraient dû prendre la place du titre principal, car la matière de ce livre de 395 pages n’est constituée que du courrier entre une jeune Anglaise et un pilote français, ainsi que d’extraits de journaux personnels. Inutile donc d’y chercher des détails opérationnels ou techniques sur le fonctionnement courant des groupes Guyenne ou Tunisie, comme pourrait le laisser penser le titre, d’autant que la censure militaire du courrier veillait au grain. Les nombreuses lettres échangées entre le sergent Francis Usai et son amie Barbara Harper-Nelson, ainsi que les pages du journal de cette dernière, sont à appréhender sous un autre jour : celui des préoccupations et occupations quotidiennes, on ne peut plus humaines, qui font la vie de tous les jours de jeunes gens dans un pays en guerre.
Entre janvier 1944 et avril 1946, on vit les inquiétudes et les joies, les moments de désespoir alternant avec une certaine insouciance, les espérances en l’après-guerre. À une époque où les « lettres de Poilus » ont rencontré un succès certain auprès d’un public non averti, ce livre vivant et sensible devrait amener ceux qui ne soupçonnent même pas l’existence du sacrifice de ces aviateurs français à s’informer plus avant sur cet épisode méconnu de l’Histoire, et prendre ainsi leur part du devoir de mémoire.
Sept pages en fin d’ouvrage résument ce que fut l’activité des Groupes lourds sur Halifax et évoquent l’existence du mémorial des Forces aériennes alliées d’Elvington, terrain de stationnement des quadrimoteurs. Une dizaine de photos, parfois inédites, illustrent ces pages et des notes intercalées entre les extraits de correspondance ou de journal éclairent utilement le lecteur sur des sigles, des mots anglais, des termes techniques et autres détails d’époque.
Bernard Palmieri
395 pages, 14,1 cm × 21,6 cm, couverture souple