Les canons du ciel, c’est l’histoire d’une carrière de pilote de chasse brisée par les accidents aériens et la guerre, amenant l’intéressé motivé, et prêt à tous les sacrifices, à changer complètement de voie.
Pourtant, dès les premiers vols il sut que le métier était dur et dangereux. Son lâché n’avait-il pas été reporté à cause d’un crash arrivé sous ses yeux, occasionnant la mort de l’équipage dans une boule de feu ? Le plaisir du vol et la fierté de réussir sa progression dans les difficiles écoles américaines lui avaient fait oublier ces mauvais moments. Quel plaisir de porter à la fois les insignes de pilote de chasse français et américain et de pouvoir s’en confier à ses amours et à ses proches !
Dès sa première affectation en escadre de chasse, sur Mistral en Algérie, la dangerosité du métier se rappellera à lui lorsque l’un des pilotes s’éjectera en mer et coulera avant l’arrivée des secours, et surtout lorsqu’il s’éjectera à son tour, percuté en plein vol de patrouille par son équipier qui n’avait pas pu l’éviter. Celui-ci fut tué dans l’accident. Lui, blessé, fit un séjour à l’hôpital suivi d’entretiens avec un psychologue pour en dominer tous les traumatismes. Dans cet accident le plus marquant est sans doute qu’il fut alors secouru groggy par les gens d’un village, qu’il mettra à feu et à sang quelque temps après, à coups de roquettes, un funeste dimanche où l’absurdité de la guerre se rappellera cruellement à lui.
Sûr que le passage du mono-réacteur Mistral, tirant de loin, presque en aveugle sur des cibles désignées par d’autres, au T-6, ex avion école à hélice de 800 ch, où l’attaque devenait un véritable duel les yeux dans les yeux, changeait complètement la donne. Son appareil sera d’ailleurs touché plusieurs fois par l’adversaire. Pour lui, dans ces combats où il donnait son meilleur, chaque obus tiré sur des hommes qu’il voyait courir pour se mettre à l’abri, et auxquels sa juste visée ne laissait aucune chance, ébranlait de plus en plus ses certitudes et sa vocation initiale. S’en suivait, au retour, les remords d’avoir attaqué simplement pour obéir aux ordres, mais en totale contradiction avec ses pensées profondes, juste pour faire ce qu’on attendait de lui.
En rentrant d’Algérie, il quittera l’armée de l’air et sera pilote dans l’aviation civile.
Le style très agréable de Francis Ducrest, déjà salué à l’occasion de la publication de L’aviateur, donne à ce récit toute son âme, sa vérité et une sincérité absolue qui doit être saluée. De belles pages et de beaux écrits sur un sujet qui n’a pas fini d’interroger les hommes !
Richard Feeser
110 pages, 15,3 x 24 cm, broché
NDLR : Les canons du ciel, livre-témoignage, avait fait en 1960 l’objet d’une version plus « lisse » sous pseudonyme, Francis Ducrest étant encore d’active. Cette nouvelle édition, beaucoup moins consensuelle, recèle de nombreux ajouts.