«Les dirigeables ?» dites-vous.
Les livres qui leur sont consacrés sont à peine plus nombreux que la poignée de ces aéronefs évoluant de nos jours en Europe. Pourquoi parler de ces grands absents des musées, où leur taille ne permet de les évoquer qu’au travers de témoignages indirects ou très parcellaires ?
Parce qu’en ce domaine, même si au début de la Première Guerre mondiale elle dut emboîter très vite le pas à une Grande-Bretagne plus clairvoyante sur le plan militaire, la France fut pionnière. Très vite cette spécialité se développa et culmina en 1918, en ce qui concerne la Marine, avec 45 dirigeables (sur les 74 au total qu’elle mit en service) et 2 600 hommes affectés à leur service. Fournissant et accueillant finalement Américains, Belges… et même Japonais après guerre, cette branche de la Marine engagea un rapide déclin une fois la paix revenue, avant une veille relativement active de deux décennies.
Cet ouvrage, véritable somme sur le sujet, présente deux lectures : l’une « horizontale » si l’on considère les différentes plates-formes avec leur spécificités (telle leur fréquentation par les troupes US à la fin de la Seconde Guerre mondiale) ; l’autre « verticale » puisque retraçant une à une la vie de chacun des aéronefs, y compris ceux qui ne furent pas pris en compte par la Marine, mais sur lesquels volèrent son personnel.
Et si la troisième partie consacrée aux hommes et à leur instruction est relativement réduite, c’est que tout au long de l’ouvrage, on en a déjà beaucoup appris par l’impressionnante galerie de clichés. Pourtant, les 222 brevetés pilotes (dont 177 marins) y ont une biographie sommaire, où l’on constate que plusieurs finirent amiraux, preuve que cette arme n’était pas une impasse et qu’elle était servie par des hommes de grande valeur.
Certes il n’est pas question d’envolées lyriques sur des loopings ou des scores à rallonge, mais l’ouvrage sait souligner l’action discrète et déterminée de ces machines aux caractéristiques sans commune mesure avec les avions de l’époque, au moins dans un premier temps. Il manque juste un paragraphe sur la vision stratégique des états-majors et des politiques du temps de paix pour éclaircir l’abandon de cette arme, certes coûteuse, mais sans égale même durant la Seconde Guerre mondiale pour toute nation aux vastes possessions maritimes (les USA ne dissoudront leurs unités qu’en 1962 !)
On ne peut que rester impressionné par l’ampleur, la richesse et la minutie (*) de la tâche. Une fois de plus, l’ARDHAN produit un livre qui va faire date et devrait susciter bien des curiosités, car un gros effort de rédaction a été entrepris pour gommer l’aspect essentiellement inventaire de cette histoire que l’on aurait tort de vouloir ignorer.
François Ribally
Il est secrétaire général de l’ARDHAN depuis sa création en 1991 et membre de l’Académie de l’Air et de l’Espace. Il est coauteur de L’Aviation maritime française pendant la Grande GuerreRobert Feuilloy, et de l’Aéronautique navale en Indochine (1927-1956) , édités par l’ARDHAN en 1999 et 2007
Communiqué de l’éditeur