Ouvrage épuisé
Le métier de pilote d’essais a bien changé depuis les années légendaires, celles des Chuck Yeager, des Bob Hoover, des « Kostia » Rozanoff… On s’écrase moins souvent avec les prototypes. Pourtant, la complexité des appareils n’a cessé d’augmenter et le métier n’a jamais été aussi crucial. Bien sûr, il ne s’agit plus de vérifier si l’avion va voler, mais surtout de s’assurer qu’il le fait selon les prévisions. Mais bien plus que cela, il faut gérer la mise au point et la certification d’un avion qui n’est plus qu’un ensemble de systèmes en mouvement. Et là… ça peut être parfois compliqué.
Claude Lelaie, polytechnicien, ancien pilote de chasse et de ligne puis pilote d’essais, a occupé le poste à hautes responsabilités de directeur des essais en vol et directeur de la sécurité des vols chez Airbus. Il était aux commandes de l’Airbus A380 lors du tout premier vol du géant des airs en avril 2005 et a donc suivi tout le processus qui a mené à la certification de cet appareil et à son entrée en service. C’est donc un témoignage de tout premier ordre qu’il nous propose.
Oui mais voilà, Claude Lelaie est avant tout un ingénieur et il ne faut pas s’attendre à un ouvrage « détente ». Pour ça, il faut se tourner plutôt vers les œuvres de son collègue Gérard Desbois. Ici, l’objectif est tout autre. Il nous propose de nous expliquer la nature exacte de son métier à travers les vols d’essais de l’A380, leurs objectifs et leur organisation. Il ne s’arrête pas là et nous révèle l’autre pan de son métier : la complexité des processus de certification, les innombrables réunions, les bras de fer avec les administrations (la lutte avec la FAA fut saignante ; certains rounds ne sont pas terminés, comme celui concernant la séparation de l’A380 et des autres avions dans l’espace aérien pour éviter les turbulences de sillage) mais aussi les clashes internes entre les essais en vol et les équipes commerciales, par exemple. Si tout le travail effectué en amont du vol inaugural n’est pas détaillé, il est toutefois expliqué dans ses grandes lignes, car il constitue une part primordial du métier du pilote d’essais.
De façon tout à fait étonnante, chacun des chapitres du livre est consacré à un secteur d’essais particulier. L’analyse des phénomènes comme le flutter, la détermination des vitesses, la mise au point de systèmes complexes comme le freinage automatique, le système d’évitement des avions (APTCAS), la cabine (et ses problèmes de drainage de l’humidité), les systèmes de divertissement mais aussi, évidemment, les moteurs, le pilote automatique, les commandes de vol et tout ce qui fait la complexité d’un appareil aussi ambitieux. Dans ce livre, la véritable nature de la conception d’un avion se fait jour d’une façon absolument stupéfiante. Et on reste assez surpris de la liberté de parole de l’auteur qui n’hésite pas à mettre un pied ou deux dans le plat !
Parfois un peu aride, mais rédigé avec une vraie volonté de garder à ce livre une certaine accessibilité, cet ouvrage est assurément le livre le plus documenté et le plus précis publié sur l’A380 à ce jour ; eu égard au CV de l’auteur, cela n’a rien d’une surprise.
Frédéric Marsaly
384 pages, 17 x 24 cm, relié
Avec l’aimable autorisation des
© Éditions Cherche-Midi
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