La guerre a toujours été une affaire d’hommes ! Nos livres d’histoire se bornent à mentionner quelques figures emblématiques telles les Amazones, Jeanne d’Arc ou Jeanne Laisné (plus connue sous le nom de Jeanne Hachette). Au cours des guerres qui ont jalonné la première moitié du XXe siècle, mutisme complet en dehors de quelques documentaires témoignant du rôle des femmes dans l’industrie de l’armement et des hôpitaux de campagne comme infirmières ou aides-soignantes.
Outre-Manche, le statut de nombreuses femmes britanniques est officialisé dès 1917, lorsque les pertes humaines massives au cours de la Grande Guerre inquiétèrent le Conseil de l’armée. Malgré une hostilité non dissimulée, il finit par admettre que des femmes pouvaient être recrutées pour suppléer, voire remplacer les hommes à l’arrière du front et pour réaliser des tâches domestiques, cléricales ou alimentaires. Le corps auxiliaire féminin de la Royal Air Force est donc formé en avril 1918. À l’heure de la Victoire, plus de 100 000 Anglaises avaient servi sous l’uniforme, permettant à un nombre équivalent d’hommes de se consacrer aux combats.
En 1938, le vent mauvais qui annonce une nouvelle guerre pousse la Grande-Bretagne à se réarmer rapidement et à former un service féminin lié à l’armée dont l’action est limitée à fournir des employées de bureau et du personnel administratif. Après l’annexion de la Tchécoslovaquie et l’invasion de la Pologne, le sort de l’Europe est scellé. Le roi George VI signe l’acte royal créant le corps auxiliaire féminin de la Royal Air Force, lequel complète le personnel militaire en temps de guerre. Dès septembre, les premières WAAF formées, dont certaines proviennent de pays envahis, sont affectées dans les bases de la RAF. Cette intrusion dans un bastion jusqu’alors exclusivement masculin reçoit un accueil des plus mitigés de la part des officiers et des sous-officiers ; un sentiment qui va faire place rapidement à de l’admiration devant le courage, le dévouement et le sang-froid de ces jeunes femmes soumises aux bombardements dévastateurs de la Luftwaffe contre les bases du Fighter Command au cours de la Bataille d’Angleterre. Les WAAF sont finalement admises légalement en juin 1941 au sein des forces armées de la Couronne.
Pour la plupart manœuvres d’ateliers, plieuses de parachutes, météorologues, mécaniciennes, armurières, décrypteuses, certaines d’entre elles se portent volontaires pour être parachutées ou déposées sur les terrains de la Résistance en France dans le cadre du SOE (Special Operations Executive).
Dans ce livre, Geneviève Moulard dévoile un pan de l’action des WAAF jusqu’alors méconnues en France. Elle rend ainsi un vibrant hommage (et bien légitime) qui souligne le combat, le courage et le travail de ces femmes au sein des escadrons de chasse britanniques. Bien que Churchill ait prédit « du sang et des larmes », elles ont répondu par milliers à l’appel, mues par un profond patriotisme et le sens du devoir, pour œuvrer à la liberté de leur pays et participer à l’éradication du fléau nazi.
J’ai beaucoup apprécié ce travail de recherche réalisé à partir d’archives britanniques ; agrémenté de photos souvent inédites et soigneusement sélectionnées, il fait la part belle aux portraits et aux anecdotes. Cet ouvrage, enrichi de notes, d’un glossaire et d’un index des noms se lit avec plaisir, d’autant plus qu’il est imprimé sur papier glacé avec un format de police d’écriture confortable.
Corinne Micelli
360 pages, 15,5 x 23,5 cm, broché