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Les Français du Jour J

Benjamin Massieu

Juin 1944, quelque part dans la campagne française :
« Ça y est ! Ils ont débarqué !
— Qui ça ?
— Bin… les Américains, bien sûr ! »
Bien sûr. Et c’est ainsi que, dans le public, se résuma en France, pendant des décennies, l’un des événements majeurs de la Seconde Guerre mondiale. On finit bien par se souvenir qu’à Gold, Juno et Sword, c’étaient les sujets de Sa Très Gracieuse Majesté. Mais des Français, pas question, puisque Franklin D. Roosevelt ne supportait par Charles de Gaulle. Et, grosso-modo, on s’en tenait là.
Dans ce livre, Benjamin Massieu fait le point. Et il le fait dans un avant-propos qu’il serait bon de faire étudier dans nos lycées, voire nos universités. Y sont clairement expliqués, non seulement les raisons du faible effectif français présent le « Jour J », mais également pourquoi cette participation est ultérieurement passée sous silence. Entre autres, et pour des motifs (fort entendables) clairement exposés par l’auteur, le général de Gaulle, s’il avait souhaité raviver en 1964 le souvenir de 1914 et de 1944, s’était clairement opposé à une participation aux cérémonies du vingtième anniversaire du Débarquement de Normandie.

Il n’empêche. Pour peu qu’on ne considère pas le « Jour J » d’une manière aussi restrictive que la période allant du 6 juin 1944 à zéro heure au même jour à minuit, et ce sur les plages situées entre Barfleur et Cabourg, l’épaisseur de ce volume (418 pages) se justifie.

Certes, ce livre n’est pas aéronautique à 100%. Et on y trouvera aussi bien l’incontournable commando Kieffer que la « Royale », avec entre autres les croiseurs Georges Leygues et Montcalm. Mais bien évidemment les aviateurs français étaient bien présents (certes sous cocardes britanniques), de même que des Français furent parachutés au sein d’unités alliées.

L’ouvrage se compose de trois parties.
Le premier chapitre nous mène du 9 novembre 1943 au 15 mai 1944. En guise de lever de rideau, et faisant suite à un avant-propos déjà copieux quant à cet aspect du sujet, on trouve une solide analyse de l’échiquier politique, déjà émaillée de citations. « Déjà », car les témoignages divers prennent une place de premier plan dans cet ouvrage. Puis arrivent divers sujets, classés chronologiquement et par arme… sans que soit oubliée la Résistance.
Avec le second chapitre, qui nous mène à la veille du Jour J, nous assistons aux derniers préparatifs, où le maître-mot semble être « secret ». Unités consignées, dernières tentatives de Charles de Gaulle auprès de Winston Churchill pour que la France Libre soit effectivement intégrée au Débarquement, et enfin, aux dernières heures du 5 juin, la Résistance passe à l’action tandis que décollent les unités SAS.
Troisième chapitre : le Jour J à proprement parler commence à la page 222, avec le parachutage des SAS et le groupe Lorraine. Le livre pourrait s’arrêter au 6 juin à 23 h, mais Benjamin Massieu ne saurait le clore sans un épilogue dans lequel il évoque une suite à ce volumineux ouvrage, un volume dans lequel sera étudiée la participation française à la bataille de Normandie.

Les Français du Jour J fait la part belle à des citations et à des témoignages qui occupent une place significative dans l’ouvrage, mis en relief par une impression en gras, en italique, et selon un code couleur caractéristique de l’arme concernée. Un détail qui donne la mesure du soin apporté à l’ouvrage : chaque citation, chaque témoignage, est accompagné d’un portrait (d’époque) de son auteur. Le livre est illustré de photographies ; si certaines sont connues, d’autres, extraites d’archives familiales, nous paraissent inédites. Quelques œuvres graphiques de Victor Lepointe ainsi que des cartes viennent compléter une iconographie intéressante. En annexe, nous trouvons les notes (que nous eussions préférées en bas de page), mais surtout, sur 14 pages, des tableaux établissant des listes, unité par unité ou bâtiment par bâtiment, des Français ayant pris part aux opérations du 6 juin 1944. Après les (indispensables) sources, bibliographie et crédits photographiques, une page ultime nous rappelle les quinze militaires morts pour la France le « Jour J ».

Œuvre de mémoire, certes, ce livre est avant tout un outil documentaire de qualité, que Pierre de Taillac a concocté avec l’application et le soin dont il est coutumier. Sobre sans être aride, très vivant malgré son épaisseur, cet ouvrage nous est proposé à un prix raisonnable. Voilà un argument supplémentaire pour qu’il figure dans votre bibliothèque.

Philippe Ballarini


416 pages, 17,9 x 23,5 cm, couverture cartonnée
1,381 kg
Imprimé en Belgique

En bref

Éditions Pierre de Taillac

ISBN : 978-2-36445-130-8

24,90 €