Le centenaire de la Grande Guerre a occasionné la sortie de nombre d’ouvrages dont une grande partie n’était que la reprise de sujets battus et rebattus, y compris en matière d’aviation. Ce n’est pas le cas de cet ouvrage, dont l’auteur est par ailleurs un spécialiste du renseignement militaire, ouvrage qui se place dans la droite lignée de sa thèse de doctorat d’histoire intitulée Renseignement et services de renseignement en France durant la guerre 1914-1918, soutenue en 2006. La matière de ce livre est répartie en trois grandes parties, à savoir l’aéronautique et le renseignement au début du XXe siècle, le récit chronologique des missions spéciales entre 1914 et 1918 (y compris sur le front d’Orient) et enfin, les moyens et procédés mis en œuvre au cours de ces missions.
Si la première partie n’apprendra que peu de choses à beaucoup, la deuxième partie dévoile ce que furent concrètement les missions éminemment dangereuses des Védrines, Guynemer, Emrich, Pinsard, Bobba et d’autres, ainsi que de leurs passagers-espions, souvent douaniers, tous volontaires. On se rend ainsi compte que ces équipages ont posé les bases de ce que pratique, de nos jours et dans le secret le plus absolu, les gens du Groupe aérien mixte 56 « Vaucluse » et leurs « missionnaires » de la DGSE : l’infiltration et l’exfiltration d’agents de renseignement ou de commandos du service « action » en territoire hostile. Si la technologie a naturellement évolué, les contingences sont toujours les mêmes, et la troisième partie de l’ouvrage le montre bien : nécessité de se « fondre dans le paysage », survie en autonomie, utilisation de moyens de communication discrets. Sur ce dernier sujet, l’auteur rend d’ailleurs hommage aux partenaires à plumes, indispensables, de l’agent déposé : la colombophilie a été le vecteur principal du renseignement, durant toutes ces missions spéciales. Enfin, quelques pages évoquent la toute première unité aérienne spécialement créée pour remplir cette tache particulière : l’escadrille VR 200 du Commandant Evrard, surnommée « la Mystérieuse », tout un programme ! L’auteur conclut finalement, de manière non surprenante, que l’aviation a révolutionné le renseignement militaire dès 1914, encore qu’on ne parle pas là de la reconnaissance aérienne, mais uniquement du transport d’espions au plus près des objectifs.
Bien que ces 200 pages se lisent agréablement et bénéficient de très nombreuses références (381 notes de bas de page), on pourra regretter un style assez familier, qui sacrifie parfois aux clichés sur l’aviateur (« tempérament de casse-cou » …). L’iconographie nombreuse et variée (aviateurs, schémas techniques, documents, avions, lieux …) a été traitée curieusement par l’éditeur : 15 documents sont reproduits deux fois, en petit et grand format, dans le corps du texte et en annexe, ce qui ne permet toutefois pas à certains de devenir lisibles. On notera enfin que l’auteur ne semble pas un habitué de la chose aéronautique militaire, quelques erreurs émaillant le texte, tel Emrich qualifié en 1918 d’ancien pilote au 3e escadron du 21e Régiment d’aviation de bombardement de nuit (le 21e RABN n’est créé qu’après-guerre et n’a jamais été composé d’escadrons) ou encore « le Lieutenant Quellenec de l’escadrille MS 2 » (l’Escadrille 2 n’a jamais été dénommée ainsi, plutôt « MF 2 »). Au final, un ouvrage au sujet inédit, très documenté, qui permet de découvrir un aspect méconnu de la guerre aérienne en 14-18.
Bernard Palmieri
224 pages, 15,5 x 24 cm, broché
0,395 kg
Avec l’aimable autorisation des
© Éditions Histoire & Collections
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