Le 4 août 2019, après sa très médiatisée traversée de la Manche sur son Flyboard Air, Franky Zapata était vraisemblablement conscient du fait que son appareil volant était sans débouché (et vraisemblablement sans avenir). Il a donc changé son fusil d’épaule, promettant une « nouveauté » : la voiture volante. Tout cela est bel et bon, mais le talentueux bricoleur est arrivé sur un terrain déjà bien occupé et à l’avenir tout aussi hasardeux que sa planche volante. Pléthorique, le secteur l’est amplement… et surtout, il est loin d’être nouveau. Et c’est l’un des points qui sautent aux yeux avec le livre d’Andreas Reinhard et Patrick J. Gyger.
Les voitures volantes. Voilà bien un sujet qui fait rêver dès qu’ont coexisté l’automobile et l’aviation, en l’occurrence dès les balbutiements du XXe siècle. Et il semblerait bien qu’aujourd’hui un certain flou entoure le concept de « voiture volante » qui, pour certains, semble englober bien d’autres machines que des engins terrestres susceptibles de voler (et inversement).
Le titre Les nouvelles voitures volantes laisse entendre que l’ouvrage traite d’engins actuels ou de projets d’avenir. C’est globalement exact, mais les auteurs ne manquent pas – et la démarche est bienvenue – d’évoquer des appareils (plus ou moins aboutis) et des projets (plus ou moins oniriques) qui ont parsemé l’Histoire de l’aviation depuis les années 1910. Dans l’ensemble, ce chapitre évoque d’authentiques avions-automobiles (comme celui de René Tampier en 1921) ou des vraies voitures capables de circuler sur route et de prendre leur envol, comme cette flopée de machines qui firent leur (brève) apparition dans les USA des années trente.
Cela devient un peu plus flou ensuite, le sous-titre La mobilité porte à porte semblant prendre le pas sur le titre. On comprend que la joyeuse anarchie qui régnait dans la première moitié du XXe siècle, en particulier aux États-Unis, ne soit plus envisageable aujourd’hui, et que les organismes qui sont à la source des règlements régissant l’aviation ou l’automobile ne laissent plus faire n’importe quoi. Le temps est bel est bien révolu où un quelconque Géo Trouvetou pouvait s’amuser à bricoler un engin hybride du genre « auto sous-marine volante » et à prendre la route, la mer et l’air sans autre forme de procès. Restent néanmoins les exercices de style, toujours bénéfiques même s’ils n’aboutissent pas à la construction en série.
C’est ainsi que, comme les précisent rapidement les auteurs, « La sélection présentée ici repose sur un seul et unique dénominateur commun : la diversité. » Et en matière de diversité, nous sommes gâtés… même si l’on s’éloigne quelque peu du concept « automobile volante ». On trouvera tout aussi bien des « drones habitables » que des aéronefs futuristes mono- ou biplaces, quasiment tous à décollage et atterrissage verticaux et dotés d’hélices mues par des moteurs électriques dont on comprendra aisément qu’ils sont d’abord et avant tout un « laboratoire d’idées ». Le taxi qui vous prendra à la gare et déploiera ailes ou rotors à la sortie de l’agglomération, c’est de la science-fiction… et ce pour un bon moment. En fait, malgré le titre, on s’aperçoit à la lecture de ce superbe ouvrage que l’idée de l’automobile volante est du registre du passé.
Andreas Reinhard et Patrick J. Gyger ne se sont pas contentés d’une présentation détaillée et commentée de 23 machines ou projets. Un tiers du livre – une centaine de pages – est consacré à des sujets tels que les questions de sécurité, de règlementation, de prospective… Sont également proposés des projets et des réalisations militaires*.
Le livre est splendide ; il a visiblement fait l’objet de soins attentifs de la part de l’éditeur suisse Favre, et le contenu s’avère d’un intérêt certain, malgré un titre qui recouvre assez mal le contenu de l’ouvrage. À décharge nous pourrons remarquer que titrer un volume au contenu aussi particulier était tout sauf une évidence ; avouons-le, « Aéronefs garagisables » aurait passablement manqué d’élégance et d’attrait. Et comme Patrick J. Gyger avait déjà fait paraître un Les voitures volantes, souvenirs d’un futur rêvé déjà fort réussi chez le même éditeur (2005)…
On pourra discuter à l’envi de l’avenir ou de son absence pour ces projets futuristes. Ils existent. Et même si la (quasi ?) totalité finiront dans un cul-de-sac à la manière des Skycar auxquels Paul Moller a consacré quatre décennies de travaux, ils auront fait phosphorer des cerveaux, apporté chacun une pierre à la recherche aéronautique… et enflammé notre imagination. Et dans ce dernier registre, Les nouvelles voitures volantes est une réussite.
Philippe Ballarini
312 pages, 28 x 28 cm, relié
2,202 kg
*où l’on retrouve l’inévitable « Jeep » Piasecki VZ-8, mais étonnamment les Breguet Br.940/941 et le Hawker Harrier…
Document San Diego Air & Space Museum
Avec l’aimable autorisation des © Éditions Favre
Document Collection Hampton Wayt
Avec l’aimable autorisation des © Éditions Favre
Documents Uber/Embraer
Avec l’aimable autorisation des © Éditions Favre
Document Piasecki Helicopters
Avec l’aimable autorisation des © Éditions Favre