La publicité est aussi vieille que la civilisation mais c’est aux USA qu’elle s’est développée à un rythme et une intensité jamais vus auparavant. Profitant de l’essor tous azimuts d’un pays où les mentalités étaient acquises au repoussement des limites ; où la construction de la nation se fit durant plus d’un siècle par des luttes continuelles, ce qui amena un esprit patriotique chevillé au corps, la communication publicitaire avait pris l’habitude de s’afficher partout et d’exploiter chaque niche.
D’une situation de guerre en faisant l’un des rares pays à avoir son territoire épargné et le seul en mesure de « vendre » ses productions, les États-unis d’Amérique virent donc naturellement la publicité et les campagnes d’image de marque se nourrir ou se revendiquer carrément de l’actualité militaire, aidés en cela par une économie bien moins touchée par les restrictions que les autres nations en guerre.
Aussi, lorsque Georges Grod, garçon soumis à la pénurie depuis des années mais déjà mordu d’aviation, eut entre les mains quelques magazines amenés par les GIs, leurs pages « aviation » eurent un effet magique. Ces libérateurs, qui pour beaucoup restèrent gravés en la mémoire par le chocolat ou les chewing-gum distribués, le furent pour l’auteur par ces pages en quadrichromie montrant à profusion avions, aviateurs… voire simplement leur environnement. Et à une époque où tout était compté (et pour plusieurs années encore), ces pages de rêves étaient gratuites ! On comprend dès lors l’enthousiasme que connut G. Grod, ce qui vira à la passion et ressurgit avec d’autant plus de force lorsqu’un quart de siècle plus tard, il entreprit de retrouver et collectionner ces magazines.
C’est donc une vaste compilation que nous fait ici partager avec un langage un peu trop superlatif ce fils de la Libération. On peut s’en amuser ou s’en lasser, mais l’éventail fourni révèle combien les domaines de la vie économique se référèrent à ces faits portés en exemple. Quoi de plus naturel pour les constructeurs et équipementiers aéronautiques ou pour les campagnes d’enrôlement ? Mais combien plus surprenants sont les cas d’un fabricant de jus de fruit, ou les campagnes visant les minorités alors fort discriminées. Bien que prétendant rechercher les pages publicitaires, certains exemples sont extraits d’articles et reportages (notamment pour le chapitre sur les femmes). Le panorama qui en découle reste particulièrement intéressant même s’il eût gagné à être accompagné d’un texte un peu plus rigoureux et impartial dans ses commentaires. En effet, la première critique n’apparaît qu’en fin d’ouvrage, dans la seconde partie qui cherche à identifier au mieux un grand nombre des réalisateurs de ces dessins, retraçant lorsque c’est possible l’ensemble de leur carrière.
Cet ouvrage d’ambiance est intéressant à plus d’un titre, reflétant l’état d’esprit d’une nation, tant à l’arrière qu’au front. Nous regretterons les commentaires parfois trop complaisants mais saluons la diversité des exemples présentés.
Nous espérons qu’un auteur aura la matière pour compléter cette étude par une autre qui présenterait ce que fut ce domaine dans tous les autres pays confondus… car cela fera au global probablement moins que cet ouvrage. Mais cela donnerait un relief fort instructif et renforcerait le sens de ce livre.
François Ribailly
176 pages, 23 x 32 cm, 500 illustrations environ