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Les rois du ciel

Douglas DC-1 à DC-7
René Francillon

Il est des thèmes sur lesquels il vaut mieux ne pas se rater. Avec le nombre de spécialistes qui parsèment le paysage de l’édition aéro, sur certains sujets c’est un coup à se défaire une réputation. Il y a aussi une autre possibilité : en ouvrant un sujet peu traité, votre œuvre va faire autorité. Là non plus il ne faut pas se prendre les pieds dans le tapis, car votre travail risque de servir de base à vos successeurs et, mieux encore, peut-être donner l’idée à d’autres exégètes de se précipiter sur ce territoire vierge. C’est ce qu’a fait René J. Francillon qui est allé gratter sur un sujet assez peu défloré et qui, en plus, n’a pas manqué son coup !

Quel sujet ? Les avions Douglas avec des petits numéros… et surtout quelques pistons pour faire avancer la machine !

— Mais Frédo, tu galèjes, les avions Douglas, ce n’est quand même pas un sujet vierge !

Ha bon ? Combien en avez-vous, des livres sur le DC-3 ? Une petite poignée, et encore ! Essentiellement dans la langue de Shakespeare de surcroît ! Et sur le DC-1 ? Et sur le DC-5 ? Quelques articles tout au plus, et sur le Magic Six et le Fabulous Seven, et du Gentle Four ? Pas de quoi faire s’effondrer le rayonnage, alors que la bibliothèque du salon croule sous la pile d’ouvrages consacrés au Constellation ! Et je ne parle même pas de la cave où on n’arrive même pas à faire circuler un rat entre les amoncellements d’ouvrages sur le Messerschmitt Bf 109.

Il y a là un vrai motif d’indignation ! Depuis soixante ans qu’on nous rebat les oreilles avec la merveille de Burbank, le chef d’œuvre de Kelly Jonhson, il faut rétablir la vérité : En aviation comme en matière de jolie fille, il ne faut pas se fier qu’au physique ! Le Constellation est une agréable danseuse, un appareil à la carrière presque aussi éphémère qu’une James Bond Girl, mais qui laisse une trace indélébile dans les mémoires comme un certain bikini sur la plage du Dr No ! Et je le dis tout net ! No ! Ce qui différencie la starlette de la star, c’est la durée de la carrière et son influence sur l’histoire. Et là, les avions de Long Beach ont bien plus à raconter, des plages du Débarquement où ils ont joué là le sort du monde libre, au fin fond des Territoires du Nord-ouest ou de la Californie où quelques DC-3, DC-4 et DC-7 continuent inlassablement de faire ce pourquoi ils ont été conçus, c’est-à-dire voler. Mais voler, non pas pour le plaisir, mais par nécessité vitale, voler avec des passagers, du fret, et même quelques fois des soutes ventrales remplies de milliers de litres de retardant qu’il faut larguer sur les incendies de régions dévastées. Ce qui différencie les avions Douglas de tous leurs concurrents de l’époque, c’est que ces appareils sont encore présents à quelques centaines d’exemplaires et qu’ils n’ont toujours pas donné leur dernier tour d’hélice ! Ce ne sont pas d’absolus canons de beauté — encore que leurs charmes ont de quoi faire tourner quelques têtes — mais ils sont solides, fidèles et fiables, et surtout… ils durent !

Ces avions méritaient bien un livre, car il était absolument injuste que ces appareils attachants demeurent les parents pauvres de l’édition francophone.

Cet ouvrage est à l’image de ces avions. Ce n’est ni le plus beau ni le plus gros, il ne recèle pas de ces quelques artifices tape-à-l’œil désormais coutumiers, ce n’est ni le plus historique ni le plus technique, mais comme les avions Douglas, c’est de l’utile et du costaud !

Utile car ce livre, en passant en revue ces 7 familles de multimoteurs, explique les raisons de leurs naissances, la manière dont ils furent conçus, (et par qui ! car qui est capable de me donner le nom des papas du DC-3 ?) et comment ils se déclinèrent. Bien sûr, les grandes lignes de leurs carrières opérationnelles sont aussi présentes, mais il ne faut pas s’attendre non plus à des miracles : rien que pour le DC-3, il faudrait quelques encyclopédies pour nous raconter les aventures vécues à bord de ces appareils au cours de ces 75 dernières années ! Mais l’essentiel est présent et de plus superbement illustré, souvent par des clichés d’époque en couleur, point important qu’il faut souligner.

Ce n’est pas pour autant que les petites histoires ne sont pas présentes : l’histoire du DC-2 ½, les DC-7 AMOR, les tankers, les Li-2 et les copies japonaises du DC-3 sont là, avec les explications essentielles.

Le seul regret qu’on puisse formuler quand on est, comme je le suis, amoureux de ces avions fantastiques, c’est que l’économie de l’édition aéronautique et sa situation n’aient pas rendu économiquement possible de consacrer un volume entier à chaque type développé dans Les Rois du Ciel.

René J. Francillon a rendu à Douglas ce qui appartenait à Douglas, le mérite d’avoir pensé des chefs d’œuvre sans avoir voulu le faire. Pour bien insister sur l’importance de cette entreprise, aujourd’hui absorbée par le géant Boeing, l’auteur a fait figurer une liste exhaustive des appareils étudiés, conçus et construits par le bureau d’études de Long Beach, liste qui s’achève avec le géant C-17, digne héritier, finalement, du DC-3 des années trente.

Comme a son habitude, René J. Francillon a produit un ouvrage dense, complet, utile, beau et intéressant ; en un mot, c’est le livre qu’il fallait faire. Il faut applaudir l’auteur et l’éditeur de s’être lancés dans ce pari risqué : sortir des sentiers battus et avoir rendu justice à des appareils qui méritent bien plus que d’autres qu’on s’y intéresse !

Frédéric Marsaly


384 pages, format 21 x 29,7 cm, couverture cartonnée
– Collection Histoire de l’aviation N°27
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En bref

Éditions Lela Presse

ISBN 978-2-914017-58-9

62 €