À l’Aérobibliothèque, nous essayons de coller à l’actualité. Mais parfois, nous recevons également des ouvrages pour lesquels « nouveauté » n’est pas le premier mot qui vient à l’esprit.
C’est le cas avec ce Raids sur Rangoon. Tout d’abord, l’album est paru en 2013. Ensuite, il s’agit en fait d’une réédition d’un volume initialement publié en 1994, époque où Soleil était un petit éditeur qui commençait à lancer ses propres séries (pour l’anecdote, cette année-là, l’entreprise publiait aussi le premier tome de Lanfeust de Troy, série qui en fit un éditeur majeur du monde de l’heroic-fantasy). Mais même alors, Les tigres volants n’étaient pas totalement une nouveauté : cette recréation faisait suite à la série homonyme parue dans les années 70 dans le magazine Tora, déjà réalisée par Félix Molinari.
Ce petit aperçu historique est nécessaire, car ces origines jouent beaucoup dans la construction des albums. Les tigres volants n’est pas une série récente, mais une contemporaine de Johnny Red, née dans le même type de publication, avec le même public. Les albums cartonnés ne sont pas une simple réédition des planches originales et l’arrivée du scénariste Richard D. Nolane change quelque peu la donne, mais l’esprit des périodiques illustrés des années 1970 a été conservé.
C’est donc à un récit d’aventures échevelées que nous avons affaire : s’il se base sur des faits réels (le célèbre engagement de volontaires américains au côté des Chinois pendant la Seconde guerre mondiale), le scénario ne s’encombre guère de géopolitique, de perspective historique ou même de psychologie. Les pilotes sont là pour combattre et ne regardent guère plus loin que le prochain affrontement, quitte pour cela à voler un Polikarpov I-16 contre tous les ordres et à détruire des appareils dans des manœuvres quasiment suicidaires. Une poignée d’autres éléments sont évoqués, comme la vie sociale des pilotes et les violences subies par les civils, mais seul le racisme américain est un tant soit peu développé, et encore reste-t-il bien secondaire.
Le dessin de Molinari reprend lui aussi les codes des illustrés pour adolescents. La maîtrise du dessinateur est certaine, mais le graphisme est aujourd’hui un peu daté : l’œil reconnaît immédiatement le style des Buck Danny de Hubinon, des Johnny Red de Colquhoun et autres séries inspirées des comics. Agréable pour les lecteurs nostalgiques, ce style détonne un peu dans le paysage actuel et pourra surprendre les plus jeunes.
Raids sur Rangoon n’est donc pas une nouveauté, non seulement sur le plan éditorial, mais également sur le plan narratif. C’est une bonne manière de retrouver l’émotion que nous avions lorsque nous dévorions Les Japs attaquent mais, comme pour les autres œuvres de l’époque, la simplicité du scénario apparaît aujourd’hui avec brutalité.
Franck Mée
48 pages, 21,5 x 29 cm, relié couverture rigide
– Couleurs par Frédéric Bergèse
– La collection « Les Tigres volants
© Éditions Soleil
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