Imaginez une belle soirée d’été, face aux collines du Limousin à perte de vue; avec votre hôte, la conversation en vient à évoquer sa carrière de haut fonctionnaire. Bien sûr, Robert Vergnaud – car c’est de lui qu’il s’agit – ne vous révèlera pas de secret d’État, il n’est certainement pas de ceux qui rendent leur devoir de réserve au moment de faire valoir leur droit à la retraite, mais c’est un bon conteur et le cours de sa vie s’anime devant vous.
Après les années difficiles de la guerre, dans laquelle un jeune aspirant est jeté pratiquement du jour au lendemain au sortir du lycée, il se retrouve un peu par hasard embrasser une carrière diplomatique qui le mène en particulier en Amérique de Sud, continent alors encore très éloigné en ces années d’avant le Boeing 707.
Le temps passe agréablement et vous lui demandez :
« Et l’aviation dans tout ça ?
— Patience, j’y arrive » vous répond-il.
Une fois encore, le hasard des postes de celui qui est devenu un collaborateur apprécié l’amène à suivre les premiers pas « diplomatiques » du programme Concorde. Mais cette rencontre avec l’aéronautique est-elle vraiment un hasard pour quelqu’un qui avant 1950 a appris à piloter en Argentine ? Les passionnés de l’oiseau supersonique apprécieront les précisions que l’auteur apporte ici sur les tractations qui ont lieu en coulisse, loin des problèmes techniques, reflet des ambitions d’une industrie aéronautique française renaissante.
Pourtant, il n’accompagnera pas l’avion jusqu’à son envol. Lui qui a passé la plus grande part de sa carrière aux quatre coins de la planète, lui qui parle plusieurs langues étrangères, il rejoint l’Amiral Hébrard aux commandes d’Air Inter, dont le réseau ne dépasse pas les frontières métropolitaines !
Si le mérite de la création de la compagnie revient à son supérieur à qui il succède bientôt, il est incontestablement l’architecte des quelques vingt années de son « âge d’or ». Non seulement il en fera un outil sûr et efficace, mais il saura aussi pérenniser un esprit maison que son personnel regrettera quand la montée en puissance du réseau TGV largement subventionné, en particulier, rendra inéluctable une fusion avec Air France.
D’aucuns diront que les souvenirs, ce n’est pas de l’Histoire. Peut-être, mais sans cette forme d’illustration, les travaux savants ne seraient certainement pas aussi intelligibles. Ce n’est déjà pas si mal !
Pierre-François Mary
190 pages, 23 x 15 cm, broché