L’escapade britannique de Rudolf Hess en 1941, revêt bien des caractéristiques d’étrangeté et demeure l’une des plus grandes énigmes de la Seconde Guerre mondiale. Le livre de Martin Allen « The Hitler/Hess deception », paru en anglais en 2003, avait été traduit en français et était paru chez Plon en 2005. Cet ouvrage d’un puissant intérêt s’était trouvé rapidement épuisé. Il est désormais disponible dans la collection Tempus de chez Perrin. Nous invitons les lecteurs qui auraient manqué l’édition précédente à ne pas rater le coche cette fois, compte tenu d’un tarif très abordable. Nous vous avertissons néanmoins qu’en dépit de la nature aérienne du voyage de Rudolf Hess, l’ouvrage n’est pas spécifiquement aéronautique, loin s’en faut.
Notre compte-rendu de l’édition de 2005 :
Le 10 mai 1941, Rudolf Hess, compagnon de route de Hitler, édile du régime nazi dont il fut l’un des artisans majeurs, décollait d’Augsbourg à bord d’un Messerschmitt Bf 110 spécialement équipé. Destination : l’Écosse. Objectif : rien de moins que de négocier la paix avec une faction britannique supposée « pacifiste » qui aurait été en mesure de renverser Churchill.
Hess se posa en parachute à proximité de la propriété du duc de Hamilton. Désavoué par Hitler qui le fit passer pour fou, appréhendé par des policiers britanniques, celui qui deviendra le dernier prisonnier de Spandau garda le silence jusqu’à sa mort en 1987, pour des raisons que ce livre rend compréhensibles. La théorie encore très répandue selon laquelle Hess, ayant perdu la raison, aurait agi de son propre chef, semble avoir été d’une grande commodité tant pour Hitler que pour les Alliés occidentaux, mais force est de reconnaître qu’elle relève de la farce, ce que Staline avait d’ailleurs deviné dès 1941.
Mais qu’est-ce qui pouvait laisser imaginer à Hitler qu’il était possible de négocier secrètement avec un plausible « parti de la paix » britannique ? Martin Allen démontre de manière fort convaincante qu’il s’agit d’une manœuvre « d’intox » menée par les services secrets britanniques, dans le cadre d’une opération de guerre psychologique et politique. Deux grains de sable dans cette mécanique : ce n’était pas Rudolf Hess qui était attendu, mais un personnage de moindre rang, et le fait que Hess dut sauter en parachute au lieu de se poser, ce qui l’empêcha de se rendre chez le duc de Hamilton. La machination churchillienne visait à amener Hitler à croire en la présence d’un « parti de la paix » britannique (que lui aurait décrit son émissaire à son retour), à desserrer l’étau autour du Royaume-Uni et à s’attaquer au plus tôt à l’URSS. Convenons-en, ce n’était guère avouable, même bien longtemps après la fin de la guerre.
En dépit d’un sous-titre un peu « sensationnaliste », cet ouvrage n’a rien de fantaisiste ; l’auteur s’appuie sur de nombreuses sources des plus sérieuses et s’est livré à une enquête minutieuse. Martin Allen, historien britannique, s’était signalé par « Le roi qui a trahi », au sujet du duc de Windsor, ex-Édouard VII, qui joue un rôle non négligeable dans le sujet de cet ouvrage. La partie strictement aéronautique est réduite à la portion congrue : il ne s’agit pas ici de narrer le vol de Rudolf Hess en tant que tel, mais d’en rétablir les origines, tenants et aboutissants. L’ouvrage n’est pas seulement passionnant : il est difficile de ne pas adhérer aux convictions et démonstrations de l’auteur quant aux raisons de ce surprenant voyage aérien, sur lequel circulent encore nombre de propos erronés. Nous le recommandons chaudement à celles et ceux qui voient encore « l’affaire Rudolf Hess » comme nimbée d’un halo mystérieux, ou manifestent simplement de l’intérêt aux dessous de la Seconde Guerre mondiale.
Philippe Ballarini
448 pages, 11 x 18 cm, couverture souple