Regards croisés : deux regards différents pour un même ouvrage.
Le commentaire de Franck Mée
Le commentaire de Philippe Ballarini
« Sur les compounds convertibles, le crew resource management est particulièrement important : la workload pendant qu’on switche ne permet pas au deuxième homme de n’être qu’un spare. »
Si vous avez du mal à saisir ce genre de phrase, c’est peut-être que vous ne parlez pas couramment l’aviateur. Ou bien, que vous ne parlez que le « français aviateur », un sous-ensemble très restreint de cette langue polyglotte où il est d’usage de multiplier les termes d’origine étrangère (et plus spécifiquement anglaise), souvent par simplicité, parfois par inculture manifeste. Anglicisme, barbarisme et erreurs de traduction s’imposent parfois contre vents et marées ; cela méritait bien un petit ouvrage permettant de faire le point non seulement sur ce qui n’est point français, mais sur sa traduction dans notre idiome… et sur la probabilité que la version francophone s’impose au bout du compte.
Car c’est une des grandes qualités de ce Lexique franglais-français : il n’est pas dogmatique et n’hésite pas à signaler parfois que tel anglicisme n’ayant pas d’équivalent simple dans notre langue, il est légitime de l’adopter. Plus critique avec les cas où un mot bien connu existe (merci de ne pas dire « turbojet » quand « turboréacteur » est tout aussi bien installé), il déplore surtout les cas où un mot anglais n’est utilisé que parce que son auteur n’a pas voulu choisir entre trois ou quatre mots français plus adaptés, comme le célèbre « leadership » utilisé en français à la place d’une demi-douzaine de mots — et bien souvent dans des sens qu’il n’a même pas en anglais !
Léger dans la forme, ce petit livret n’en est pas moins sérieux au fond : les plus critiques noteront quelques approximations (par exemple, certains avions ont une « gearbox » , le réducteur ; quand à l’éléphant de Disney, c’était Dumbo et non Jumbo) et une poignée d’oublis, mais nous pardonnons volontiers ces détails : plutôt complet, explicite et intéressant, ce précis de vocabulaire devrait être offert avec chaque contrat de travail dans le domaine aéronautique.
Franck Mée
Invitée dans une émission télé à Montréal, Arielle Dombasle déchaîna un jour un tonnerre d’éclats de rire. Elle venait de dire qu’« à Paris, en passant au ticketing… » Ses interlocuteurs hilares lui rappelèrent l’existence des mots « billetterie » et « enregistrement ».
Ne riez pas trop de l’actrice : vous aussi êtes parfois victimes de ce « franglais abusif » dont on nous abreuve généralement à la télévision. Êtes-vous bien certain de n’avoir jamais « forwardé un mail », « downloadé un freeware » ou « checké », « matché », etc. ?
Cet opuscule d’allure sévère est l’héritier en droite ligne de l’une des fonctions premières pour lesquelles est née l’Académie de l’Air et de l’Espace : un Conservatoire de la langue française du domaine aéronautique, là où l’Académie française était « totalement incompétente », selon les propres termes du colonel Edmond Petit en 1954.
À une heure à laquelle plus que jamais des jargons divers et variés envahissent notre lexique, le plus souvent par effet de mode (lorsque ce n’est pas par pur snobisme), il est bon de rappeler que le vocabulaire français est généralement suffisamment riche, précis et nuancé pour que nous nous dispensions de termes d’un « franglais » souvent hasardeux. Un exemple croquignolet avec le terme « tarmac »*, utilisé à tire-larigot par les commentateurs TV, y compris pour désigner parfois… une piste en herbe !
Voici donc un opuscule à fonctions multiples : permettre aux non-initiés (ou aux francophones opiniâtres) de comprendre certains termes de « franglais » (essentiellement aéronautique), mais aussi guider les victimes de la mode du « basic english » vers un vocabulaire francophone après tout pas si compassé qu’on voudrait nous faire croire. Et puis, on peut se prendre à rêver que, chacun contribuant à l’édifice, à cette première édition en succède une seconde, plus étoffée.
Philippe Ballarini
Tarmac : abréviation de tar (goudron) et macadam (du nom de McAdam, inventeur de ce revêtement). Le tarmac n’est autre que le revêtement qui recouvre classiquement nos routes.
86 pages, 15 x 21 cm, broché
0,114 kg