Regards croisés : deux regards différents pour un même ouvrage.
– Le commentaire de Daniel Liron
– Le commentaire de Philippe Ballarini
En 450 pages, cet ouvrage collectif édité en nombre limité par La Documentation française dans sa collection COMAERO dissèque 70 années d’industrie hélicoptères dans l’Hexagone depuis les balbutiements des pionniers en 1907, jusqu’à l’apogée moderne des appareils actuels que l’on connaît aujourd’hui.
Les auteurs appartiennent à diverses entités civiles et militaires comme la DGA, Sup’Aéro, l’Académie de l’Air et de l’Espace, le Staé, les Centres d’Essais en Vol, et d’autres encore, avec bien sûr le principal constructeur français Aerospatiale/Eurocopter, principal protagoniste du sujet de ce livre. Ceci n’exclut pas quelques lignes sur l’hélicoptère Cabri de Bruno Guimbal ou l’unique appareil Citroën RE 210 à moteur rotatif, tentative éphémère sans suite d’un constructeur automobile célèbre.
L’ensemble de ce livre est composé de 14 chapitres détaillant, entre autres, les divers utilisateurs de l’hélicoptère, civils ou militaires, les licences, et les différentes coopérations internationales comme celle du NH-90, traitant aussi des motorisations ainsi que de tous les programmes industriels commerciaux et nationaux pour la partie militaire et ses développements spécifiques comme le Puma Horizon, le Cougar, le Panther et le Caracal, et le Tigre. Tous les sujets traitant de l’hélicoptère sont passés au crible de façon assez technique, mais claire. Tous les appareils sont étudiés, du Djinn jusqu’à l’EC175 sans omettre la construction sous licence des Sikorsky S-55 et S-58 à Marignane dans les années 1950-1960 et leurs brefs passages en version civile pour la Sabena, la compagnie belge faisant du transport de passagers d’Issy-les-Moulineaux à Bruxelles de 1956 à 1963.
Abondamment illustré par plus de 200 photographies (noir & blanc et couleur) avec de nombreux schémas et tableaux, L’Histoire des hélicoptères en France depuis 1945 risque d’être, par certains aspects, un peu hermétique pour le profane, car ce livre n’est pas vraiment destiné au grand public.
Il demeure cependant une référence historique et iconographique à laquelle se référeront de nombreux élèves ingénieurs (pensons notamment à l’EPNER, entre autres), journalistes et autres historiens du domaine aéronautique. Très utile pour la partie chronologique des évènements dont on ne se rappelle pas toujours précisément des dates clés de l’Histoire, ce document est digne de figurer dans toute bibliothèque de « Fana » d’hélicos (ou simplement d’aviation) : c’est un livre de référence qui décortique comment tout a évolué si vite en si peu d’années de progrès et de recherches pour en arriver aux hélicoptères sans pilotes et aux drones connectés.
En dernières pages, un glossaire très détaillé des divers acronymes permet de comprendre ces abréviations souvent obscures, suivi d’une liste complète des illustrations qui aidera à retrouver facilement un tableau, une photo ou un croquis figurant dans le livre.
Cet ouvrage démontre l’importance d’une lecture attentive du titre d’un livre. Effectivement, nous ne lisons pas L’histoire des hélicoptères français depuis 1945, mais L’histoire des hélicoptères en France depuis 1945. La nuance est de taille, car cela laisse la place à l’utilisation d’appareils de construction étrangère (par exemple à des Piasecki, Sikorsky et autres Westland utilisés par la Marine nationale). De toute manière, à une époque où la conception et la construction d’appareils relève majoritairement de société multinationales, une approche strictement franco-française aurait manqué de sens.
Du point de vue de sa construction, plutôt que d’une structure strictement homogène, cet ouvrage est à prendre comme une juxtaposition de « livres-chapitres » permettant de faire un tour d’horizon aussi exhaustif que possible de l’histoire de l’hélicoptère en France. Si, bien évidemment, le rideau s’ouvre sur les précurseurs ainsi que les pionniers et se ferme sur la recherche actuelle, il ne se déroule pas de façon linéaire et rigoureusement chronologique. Par exemple, au chapitre sur la coopération franco-britannique succède celui sur la coopération franco-allemande, ceux-ci en précédant d’autres, tels ceux traitant des programmes industriels, puis militaires, avec le chevauchement chronologique que cela impose.
L’objectif visé est une certaine exhaustivité, et à ce titre il sera difficile de prendre l’ouvrage en défaut (si ce n’est que comme tout ouvrage historique, il est nécessairement « daté » en ce qui concerne les derniers chapitres). Notons que même certaines initiatives que l’on peut qualifier de « marginales » sont étudiées (Déchaux, Citroën, Guimbal).
Élaboré par un groupe d’études de COMAERO, ce livre, s’il est clair, abordable et compréhensible sensiblement par tous, n’est visiblement pas destiné au grand public et ne relève pas de la vulgarisation, même si le lecteur « éclairé » ne manquera pas d’y puiser des chapitres de référence (y compris quelques erreurs historiques notoires, comme celles concernant Paul Cornu). Faut-il le préciser, L’histoire des hélicoptères français depuis 1945 est un ouvrage d’une vaste richesse qui profitera grandement à l’historien de même qu’à l’amateur un tant soit peu aguerri.
Philippe Ballarini
452 pages, 16 x 24 cm, broché
0,852 kg
NDLR : Légère ombre au tableau : certaines photos auraient mérité un autre traitement (ou un autre papier).