Dans ce recueil de petites histoires très variées, Jean-Pierre Domec nous présente une poignée de personnages attachants, avec leurs forces et leurs faiblesses. Ce pourrait être vous ou moi, ou des personnes de notre entourage. Le côté aéronautique est très marqué, avec plusieurs récits vraiment aériens, comme celui sur l’hydravion sur lequel s’ouvre l’ouvrage, mais aussi des vols en avion, en planeur, etc. Lorsqu’une des saynètes est purement terrestre, une allusion à quelques envolées survient de temps en temps, semblant servir d’échappatoire en même temps que de fil rouge. Et lorsque cette allusion se focalise sur un hydravion, le code est vite saisi, on sait que cela concernera un petit moment de bonheur intense.
Le style de l’auteur est très agréable, souvent charmant. La plume est élégante, le vocabulaire est recherché, avec délicatesse, et Jean-Pierre Domec joue volontiers avec les mots, avec les sonorités. Il en arrive à rendre presque poétiques les litanies d’une check-list. Certaines histoires semblent passionnément vécues, d’autres issues d’un rêve, voire à l’occasion d’un cauchemar. Celle sur le Dakota paraît être un hommage à Hugo Pratt, d’autres peuvent rappeler l’univers de Richard Bach. Certaines sont drôles, d’autres aigres-douces, et l’on termine l’une ou l’autre souvent bien pensif.
Et si cette lecture ne suffisait pas à nous enivrer, l’hydravion n’est pas le seul leitmotiv de l’ouvrage, le whisky et les vins précieux sont également régulièrement présents en toile de fond. Mais la découpe en « histoires courtes », comme nous le précise le sous-titre, permet de consommer tout cela avec modération.
En analysant ce livre, j’ai réalisé quelque chose d’amusant. D’ordinaire, pour écrire une recension, je souligne au crayon les passages sujets à caution, les erreurs, les tournures litigieuses.
Ici, j’ai souligné beaucoup de phrases dans le texte, mais simplement parce que je les trouvais jolies, pour pouvoir les retrouver, plus tard…
Quelques exemples ?
« Légèrement cabré, l’hydravion présente ses flotteurs comme un moyen de passer de l’autre côté du miroir. »
« J’ai pris le temps pour être à la fois air, eau et feu. »
« J’ai ramené le manche sur le ventre, le poing fermé sur l’estomac pour compenser cette légère angoisse au décollage qui réveille notre attention, à moins que ce ne soit sur le cœur, parce que le pilote est rationnel et romantique à la fois. »
« Après l’amerrissage, le retour au ponton et l’arrimage font rentrer le vol dans le carnet, la nostalgie dans le cœur. »
« Il avait bien ce regard au-dessus de l’horizon, ces lunettes de soleil d’aviateur, ce blouson de cuir bleu, un peu usé par les frictions combinées ou successives du bois, de la toile, de l’aluminium et des rêves enfuis. »
« Lorsque le milieu de l’après-midi s’en est allé, l’air prévient qu’il va descendre de la montagne. »
Une excellente lecture.
Jean-Noël Violette
164 pages, 14,5 x 21 cm, broché
0,220 kg