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L’or rouge

Les Alliés et la transfusion sanguine
Normandie 44
Philippe Bauduin

Philippe Bauduin est bien connu des aérolecteurs pour ses biographies d’aviateurs des Forces Aériennes Françaises Libres (Philippe Livry-Level, Jean-Louis Cartigny, Jacques de Vendeuvre, Bertrand du Pouget), Normands comme lui. Membre du comité historique de l’Amicale des Forces Aériennes Françaises Libres, il fait ainsi partie d’une petite équipe de bénévoles fidèles qui contribuent à garder le lien avec les derniers vétérans de cette auguste légion et à perpétuer leur mémoire. Mais aussi, ancien ingénieur au CNRS et directeur de l’ANVAR (Agence Nationale pour la Valorisation de la Recherche) Basse-Normandie, il a également fait ressortir de l’ombre des aspects du Débarquement de Normandie (qu’il a vécu à 14 ans) beaucoup moins popularisés. Pourtant, nul ne peut en effet contester l’importance de la logistique dans toute guerre, ni même celle de la technologie, dont les Alliés usèrent et abusèrent : dans cette veine, l’auteur a ainsi publié d’autres ouvrages sur les radars (qui se souvient en effet qu’un brevet français de la Compagnie Générale de Télégraphie Sans Fil avait été déposé en 1934 ?), les ponts Bailey ou l’approvisionnement en pétrole des têtes de pont d’Overlord.

Après l’or noir indispensable aux blindés et autres Jeep, Philippe Bauduin nous invite à découvrir l’or rouge : les Alliés et la transfusion sanguine durant la bataille de Normandie. Un bref rappel historique sur les débuts de cette technique durant la Première Guerre mondiale et sa systématisation durant la guerre civile espagnole, puis nous découvrons que ce sont encore les Anglo-saxons qui continuèrent de la démocratiser en la rendant systématique durant la Seconde Guerre mondiale, en témoignent notamment les nombreuses affiches de propagande dans le plus pur style de l’époque (« Le prix de la victoire, sang, sueur et larmes. Apportez votre contribution »). Les moyens déployés par les Alliés pour acheminer le sang et son dérivé – le plasma – furent à ce point conséquents que les parachutistes britanniques qui atterrirent près des ponts de Bénouville et Ranville à bord de planeurs, dans la nuit du 5 au 6 juin 1944, disposèrent rapidement de ce secours qui permit sans doute de sauver la vie à Lord Lovat en personne. Et si le général Montgomery inspecta rapidement une banque du sang à Bayeux, le poids de l’économie et de la logistique américaine se montrèrent une fois de plus déterminants pour cette bataille de la vie : transport par voie aérienne depuis les États-Unis vers l’Angleterre par Skymaster, de l’Angleterre vers les aérodromes de campagne normands à bord de Dakota, de Norseman, acheminement vers le front des containers isothermes en camions réfrigérés, stockage dans des enceintes également réfrigérées, utilisation de blindés spécifiques, transfusions en pleine bataille. Et lorsque les avions ne pouvaient pas larguer les containers sur les alliés assiégés (C-47, P-47 ou Piper Cub) – avec un succès mitigé nous précise l’auteur – c’était un moyen de destruction par excellence qui était utilisé dans l’urgence, détourné de sa vocation initiale : ainsi des obus de 105 ou de 155 fumigènes ou à tracts pouvaient-ils être chargés de médicaments (démonstrations photographiques à l’appui), ou de sang. Concernant ce dernier, point d’extrapolation, l’auteur n’affirme rien, ne reconstitue rien après coup sur la foi de légendes urbaines ; il précise simplement « si dans tous les rapports de guerre, il est fait état de l’usage d’obus à sang » à Mortain, encerclée, il est plus vraisemblable qu’il s’agisse d’obus de 155 mm contenant séparément des cylindres de plasma déshydraté et d’eau stérilisée ».

Au minimum, quel donneur de sang aujourd’hui, quel praticien ne serait pas interpellé par cet ouvrage sur un fait médical certes, mais qui plus est historique ? Et quel paradoxe aussi, si l’on ne s’abreuve que de publications vantant les mérites des stratèges, quel contraste étonnant avec le poids d’obus tiré par un chasseur ou la geste héroïque des combattants : faudra-t-il décidément qu’il y ait sans cesse des guerres pour que l’humanité se donne véritablement les moyens de soulager ses souffrances ? Nous vous conseillons aussi chaleureusement de parcourir L’Or Rouge pour sa valeur pédagogique, ses nombreuses illustrations de qualité et la belle tenue de cette collection Cheminements, qui n’a certes pas vocation à être exhaustive mais qui, en l’occurrence, nous propose un excellent travail synthétique sur un sujet peu connu.

Goerges-Didier Rohrbacher

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Soins à des enfants © NARA


128 pages, 24 x 22,5 cm, relié + jaquette

Cet ouvrage est le troisième volet d’un triptyque dédié aux trois « fluides de la guerre ». Il est à rapprocher de :
– L’eau à la source de la victoire (Agence de l’eau Seine-Normandie 1994)
Quand l’or noir coulait à flots (Heimdal 2004)

En bref
Éditions Cheminements ISBN 978-2-84478-586-2 27 €